Du lac Majeur au lac de Côme, un itinéraire au Nord de l’Italie

Un goût d’eau douce, un autre goût de montagne… Introduction et invitation à une petite virée, entre Piémont et Lombardie, côté lacs. Des adresses d’un bon rapport qualité-prix. Portfolio de photos inédites de Ludovic Lacroze en fin d’article.

Destination courue s’il en est, chargée, surchargée par les flots touristique au cours de l’été. Sur le bitume comme sur l’eau. D’un moteur l’autre.

Côté marché, l’addition est parfois lourde : une tomate (cœur de bœuf, certes), un touriste. Une tomate, un touriste… S’agit de s’extirper alors.

Mine de rien, l’entreprise se révèle aussi facile qu’à vouloir quitter l’axe Rialto/San Marco à Venise. Mieux encore si l’on tente l’escapade en arrière-saison ou au printemps. Avec son poids d’ingrédients qui sonnent comme autant d’invitations: foin du tourisme de masse, des bus charriant leurs flopées de groupes poursuivant en file indienne un guide brandissant son parapluie rouge vif, un climat doux, des couleurs qui virent au romantisme. Arrière-saison, ou mi-saison, comme on dit. Des temps propices à la petite laine, entre avril et mai, entre les mois de septembre et de novembre.

Si les grands lacs italiens ont leurs propres caractères, du Piémont à la Vénétie, ils ont aussi le point commun de s’allonger, de s’étirer sur la longueur. Si bien qu’on ne peut dire mieux alors que «longer le lac».

C’est valable pour le lac Majeur, d’un bleu intense au sud, d’un vert jade au nord, bordé par une végétation luxuriante, parfois sauvage, parfois rigoureusement maîtrisée. Botanique oblige.

Au point de départ, la petite ville d’Arona, dominée par le colosse de San Carlone, imposante statue de cuivre et de bronze, représentant saint Charles Borromée et culminant à une vingtaine de mètres, n’a que l’attrait du centre commercial du lac, et celui d’une citadelle en ruines.

Stresa-2.jpgStresa sur le lac Majeur ©Ludovic Lacroze

A une vingtaine de kilomètres, Stresa affiche ses galons de station balnéaire, son curriculum vitae d’artistes et d’écrivains séduits, inspirés par les lieux, lézardant dans les allées du parc de la Villa Pallavicino. Bâtisses élégantes, grands hôtels, rives aménagées, sentiers balisés. Balisés, au diapason d’une cité sans excès. Un téléphérique mène allégrement au Mottarone, surplombant fièrement, du haut de ses 1491 mètres, la foultitude de lacs, la plaine padane, le Mont Rose et les Alpes.

A peine plus au nord, à sept kilomètres, Baveno semble plus douce, plus humaine dans son esprit de villégiature, dont l’église paroissiale et le baptistère pourraient en être le symbole.

Contournant l’anse du lac Majeur, dépassant Feriolo et Fondotoce : Verbania. Charmante cité concentrant tous les plaisirs du lac. De l’animation sans fureur, des terrasses de café, des intérieurs où l’on perçoit les vivas des tifosi un soir de match de la Juve, des joliesses sans transe, des pêcheurs à la ligne, une rive où l’on va, vient, vogue, accoste, des quais ombragés de magnolias et de lauriers roses, des vues panoramiques pour peu que l’on s’élève dans le quartier de Pallanza.

Pallanza est l’un des points de départ des îles Borromées, partagées entre l’isola Madre, l’isola Bella et l’isola dei Pescatori, en un golfe purement et magnifiquement théâtral. La majeure partie du lac avait été donnée en fief au XVe siècle à la famille Borromée, laquelle famille allait acquérir peu à peu toutes les îles de l’archipel. La première, l’isola Madre, est occupée par un vaste jardin botanique de huit hectares, doté d’essences rares et exotiques. A côté, l’isola Bella a pris son nom en l’honneur de l’épouse de Charles III, Isabella. Elle est occupée par le palais Borromée (XVIIe siècle) et par un gigantesque jardin, foisonnant de terrasses, de bassins, de plantes, d’essences. A peine franchi le débarcadère, c’est aussi une cascade de souvenirs, de boutiques et d’étals en tout genre gavés de bibelots et colifichets destinés aux touristes. Plus petite encore, l’isola dei Pescatori n’a rien envié aux étals de sa voisine. Même les masques vénitiens y trouvent leur place. Avec son dédale de ruelles, ses alignements irréguliers de maisons blanches et sa petite église San Vittore, si l’île a vaguement « conservé son cachet de village de pêcheurs », selon les guides, sur une centaine de bâtisses, probablement, presque la totalité affiche sa vitrine, son produit, son menu, sa terrasse aménagée. Il n’y a guère alors, à la tombée de la nuit, que le village qui respire un peu d’authenticité. Encore faut-il pouvoir y dormir.

Baveno-2.jpgDe Baveno – lac Majeur ©Ludovic Lacroze

Plein Est. Traversant le lac Majeur par le ferry, d’Intra, au nord de Verbania, à Laveno. Puis remontée sur la rive Est du lac, jusqu’à Luino. Un autre angle, moins bâti, non moins trempé de charme, avant de gagner Ponte Tresa, goulot d’étranglement frontalier, de traverser Lugano, en longer son lac jusqu’à Gandria, retrouvant le versant italien, négligeant Oria et San Mamete, pour se poser à Porlezza, charmante bourgade en fond de lac, écrasée par les montagnes alentours.

Surplombant le lac de Piano, la route S 40 plonge directement sur Menaggio, au cœur du lac de Côme. La petite cité peut s’enorgueillir de remparts, ultimes reliques du château, d’une plage publique, d’une belle allée le long du lac, de recoins en terrasses, de quelques restaurants, rarement avares de polenta, du plus modeste au faussement chic. Cinq ou six kilomètres plus bas, au sud, la promenade reliant la rive de Cadenabbia à l’église de San Martino, sur les hauteurs, offre une très belle vue sur le lac.

A presque trois jets de pierre, Tremezzo, lieu de séjour prisé, affiche sa villa Carlotta du XVIIIe siècle, au jardin époustouflant de camélias, de rhododendrons, d’azalées, de cèdres et séquoias centenaires. En face, perchée sur la pointe du promontoire, Bellaggio n’est pas en reste de grâces, de villas (les villas Serbelloni et Melzi notamment, fleurons de la cité). Forcément alors, les ruelles, les passages, les vieilles maisons de Mezzegra, le baptistère roman de Lenno et les oliviers poussant sur les pentes du village d’Ossuccio, face à l’île de Comacina, reposent du luxe flamboyant des cités voisines. Des haltes bienvenues avant de redescendre sur Côme.

Côme et son duomo, de style gothique renaissance, son ancien palais communal du XIIIe siècle, le Broletto, ses villas néoclassiques aux coins des quais, ses palais baroques, ses petites rues encore, largement achalandées. Côme mérite sa halte, surprenante, comme un prologue à la vallée d’Intelvi, séparant les lacs de Côme et de Lugano.

Au départ d’Argegno, il s’agit alors de prendre de la hauteur, de gagner la moyenne montagne, dense, verte, sur des routes sinueuses, tracées par un mulet, jalonnées d’églises romanes, comme à San Fedele ou à Laino. Au point d’acmé, entre pins et mélèzes, tout près du village de Lanzo d’Intelvi, à près de mille mètres d’altitude, le belvédère de Sighignola crache sa vue étendue sur le lac de Lugano et les Alpes.

Osteno_Lugano-2.jpgOsteno sur le lac de Lugano ©Ludovic Lacroze

Deux choix à la carte : Campione d’Italia, sur la gauche, douce enclave italienne derrière le rideau suisse, fréquentée pour son casino mais remarquable par son fameux oratoire Saint-Pierre du XIVe siècle, de style lombard. Ou bien sur la droite, à deux encablures au bout de la route et des pentes en lacets, toujours en bordure du lac de Lugano, le village d’Osteno. Un autre havre de paix. Des petits bateaux flirtant avec les clapotis, des pêcheurs pépères tirant sur le bouchon, une modeste épicerie, deux cafés fréquentés par la jeunesse du cru, des bâtisses de pierre grimpant à flanc de colline.

Un condensé d’une escapade entre les lacs.

Jean-Claude Renard

Les photos de l’article et du portfolio – voir en bas de page – sont inédites © Ludovic Lacroze

***

Renseignements pratiques et carnet d’adresses :

Promenade sur les îles Borromées : pass pour la journée : 13€

Ferry pour la traversée du lac Majeur : Intra/Laveno, 13€ (comprenant la voiture, son conducteur et un passager). Toutes les 20 minutes.

Se restaurer :

A Verbania : Ristorante Bar dei Cigni, vicolo dell’Arco.

Dans le quartier de Pallanza. Terrasse panoramique pour une cuisine régionale.

A Menaggio : Osteria Il Pozzo, piazza Garibaldi. Tél. : 0344 32 333.

Excellente cuisine traditionnelle servie à l’intérieur ou au creux d’un patio. Planches de charcuteries et fromages généreuses, perches et aloses du lac, gibiers, risotto à la trévise.

A Côme : Colonial Café, via Olginati, 14. Tél. : 031 24 30 43.

Dans le dédale du centre-ville, une petite adresse charmante. Décor chaleureux un tantinet nord-africain, cuisine efficace et savoureuse, dispersée entre les plats de pâtes et les salades copieuses.

Se loger :

Lac Majeur :

A Verbania : Ostello Verbania, via delle Rose, 7. Tél. : 032 350 16 48.

Bien agréable auberge de jeunesse qui possède à l’étage quelques chambres doubles. Parc et terrasse non moins agréables.

Hôtel Aquadolce, via Cietti, 1. Tél. : 032 350 54 18.

Auberge accueillante proche de l’embarcadère et du petit centre historique. Comme la précédente adresse, point de départ idéal pour virer sur la lac.

Lac de Côme :

A Tremezzo : Hôtel La Darsena, via Regina, 3. Tél. : 034 443 166.

Etablissement plutôt cosy, avec vue sur le lac.

Lac de Lugano :

A Lanzo d’Intelvi : Albergo Rondanino. Tél. : 031 833 009.

Remarquable auberge perchée en pleine montagne et à l’écart des routes, dans une ambiance familiale. Chambres agréables donnant sur la vallée d’Intelvi. Côté restaurant, cuisine rustique de montagne, savoureuse.

Publié en 2013 – Mise à jour 2017

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Jean-Claude Renard
Jean-Claude Renard, journaliste à Politis et auteur, amateur passionné de gastronomie, a notamment écrit : avec Michel Portos, "Michel Portos. Le Saint-James en 65 recettes", (Flammarion, 2011) ; avec Yves Camdeborde, "Simplement bistrot" (Michel Lafon, 2008) ; avec Emmanuelle Maisonneuve, "Mots de cuisine" (Buchet-Chastel, 2005) ; "La Grande Casserole" (Fayard, 2002). "Arrière-cuisine" est paru aux éditions de la Découverte en 2014. Il a également publié "Marcello" (Fayard, 2002), "Céline, les livres de la mère" (Buchet Chastel, 2004), "Italie. Histoire, société, culture" (La Découverte, 2012), avec Olivier Doubre et "Si je sors je me perds" (éditions L'Iconoclaste, janvier 2018). Nous avons appris avec grande tristesse le décès de Jean-Claude, survenu le 31 octobre 2022 (https://www.politis.fr/articles/2022/11/en-memoire-de-jean-claude-renard-journaliste-a-politis-44997)

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