ITALIE – La Découverte, un portrait multiple du Bel paese.

Olivier Doubre et Jean-Claude Renard livrent un portrait de la Botte, à la fois historique, politique, social, culturel et gastronomique. Un livre documenté, concis et précieux de par ses contenus. Une nouveauté de la collection La Découverte à savourer al dente, un poids plume à emporter dans vos bagages et pérégrinations même si l’ouvrage n’a pas vocation d’être un guide de voyage.

Il existe plusieurs manières d’appréhender l’Italie. Autant de regards, parfois présumés, d’idées préconçues, simplifiées et réductrices du “bel paese”, et néanmoins justes. Un ruban de synecdoques. Car il n’existe pas une Italie mais des Italies.

renarditalie_doubre_renard-2-17336.jpg

Quel pays peut se targuer de posséder autant de façons d’être désigné, autant de lieux, d’objets ou d’expressions pointant la partie pour le tout ? L’Italie, ou le pays de la dolce vita, en proie au flirt et à l’amore, portée par la mode, le goût de l’élégance. L’Italie, ou la tour de Pise, penchant généreusement, se jouant indéfiniment des règles de l’équilibre, ou celle du Colisée, imposant sa masse circulaire historique et architecturale, tel un vaisseau amiral du passé impérial de sa capitale. L’Italie, ou le pays de la beauté, des arts et de la culture, ayant enfanté Michel-Ange, Giotto, Galilée et Léonard de Vinci… L’Italie, ou le pays de la gondole et de la Vespa. L’Italie, ou l’art de s’arranger (l’arte di arrangiarsi). L’Italie, ou le pays du calcio, dont l’unité fragile n’apparaît jamais autant qu’au son de «Forza Italia !» (Allez l’Italie !) des supporters de l’équipe nationale de football. L’Italie, ou le pays d’une gestuelle toujours exacerbée, extravertie, gymnastique instinctive. L’Italie, ou la terre de Mussolini et de Pasolini, celle de Berlusconi et de Verdi, de Pinocchio et de Gramsci…

Tel est le préambule de cet ouvrage particulièrement dense consacré à l’Italie. Une histoire à la fois géographique, politique, sociale, culturelle et gastronomique. Et qui n’en reste pas moins à la portée de tout un chacun.

Une histoire, millénaire et jeune, où viennent se greffer parfois les légendes, se succéder les enjeux des suprématies, relatant l’opposition des polentari du nord (les bouffeurs de polenta) aux terroni (les “culs-terreux” méridionaux), le Risorgimento et sa marche vers l’Unité, les sautes d’humeur politiques et sociales contemporaines, du règne ininterrompu pendant près de 50 ans de la Démocratie chrétienne au bipartisme plus classique actuel, passant par la violence politique des années 1970.

_cid_image007_jpg_01cb7ba2-5dced.jpg

Mais plus que dans ses volets historiques, c’est dans ses chapitres “d’un pas de côté” que cet ouvrage est singulier. Soulignant un pays qui, plus qu’ailleurs, cultive, entretient son esprit de famille, ou plutôt de clocher. «Un Sarde est sarde avant d’être italien, mais il est d’abord de sa ville ou de son village. Pas de hasard si chaque région revendique encore son dialecte. On peut en dire autant d’un Calabrais, d’un Vénitien, d’un Toscan, d’un Sicilien, d’un Napolitain… Pas de hasard non plus si chaque région conserve jalousement ses propres journaux, ses fêtes, ses coutumes. Campanilisme d’abord.»

Et dans cette société présentée comme une structure en oignon, observent les auteurs, «intransigeante sur ses attaches, la mamma occupe une place centrale, le cœur névralgique. C’est autour d’elle que vibre et se distribue la société italienne, en mère nourricière, prodigue et protectrice. Envahissante, sacralisée. Chef de meute».

Dans un autre registre, guère éloigné, Olivier Doubre et Jean-Claude Renard inscrivent la mafia pleinement dans la tradition de cet esprit de famille: «Question de clan, de sang, dont les tentacules gagnent et gangrènent aussi bien les partis politiques que les administrations locales et nationales.» Tandis que Le Vatican et l’Eglise, «autres mamelles de l’Italie, pays quasi exclusivement catholique, investissent depuis toujours en profondeur la vie politique et économique, jouissant d’une incontestable autorité morale, certes un brin moins évidente aujourd’hui».

Autre chapitre original, enchâssé dans la culture, succédant à un tableau remarquable du cinéma (depuis ses tout premiers pas turinois), celui consacré à une histoire de la photographie italienne. Etirée des ateliers des frères Alinari aux reportages de Martina Bacigalupo, en passant par Mario Giacomelli, Tazio Secchiarolli, Giorgia Fioro et Luigi Ghirri.

salade_de_mer-2-9bfd6-3282b.jpg

Ultime centre névralgique et non des moindres, sur lequel insistent les auteurs : celui des fourneaux. Où l’on retrouve une fois de plus la mamma, à l’origine d’une cuisine faite de mémoire, de traditions, enveloppante, généreuse, fusionnelle. «Une cuisine cornaquée à ses paysages, à ses climats, ses terroirs, fidèle à ses origines, disparate, éclatée et authentique. Bâtie sur des influences directes, au fil de l’histoire, appréciée en famille ou dans une modeste trattoria. In fine, la cuisine italienne concentrerait à elle seule le portrait du pays. Elle dit ce qu’il est. Avec ses habitudes, ses coutumes, son inventivité, sa prégnance/présence de la mamma, nourricière, forcément nourricière. Avec ses joies, ses querelles, ses réconciliations, ses divisions et ses fractures. Beurre ou huile d’olive ? Pasta, polenta ou pizza ? Caffè machiato ou ristretto. Une cuisine tantôt rustique, tantôt raffinée. Entre paysans et doges. Entre pêcheurs et montagnards. »

Un condensé de l’Italie très réussi et indispensable. Une petite encyclopédie – en seulement 222 pages – qui ne manquera pas d’être appréciée par les curieux et tous les amoureux de notre voisin transalpin.

Evolena

Italie, Histoire, Société, Culture

Olivier Doubre et Jean-Claude Renard, éditions de La Découverte, 15 euros.

Olivier Doubre et Jean-Claude Renard, journalistes à Politis, sont tous deux passionnés par l’Italie, qu’ils sillonnent régulièrement. Le premier est porté sur l’histoire et la vie politique; le second, sur la culture et la gastronomie.

Article précédentMargherita Hack, la donna delle stelle.
Article suivantSortie DVD et critique de Totò qui vécut deux fois
Evolena
Michèle Gesbert est née à Genève. Après des études de langues et secrétariat de direction elle s'installe à Paris dans les années '70 et travaille à l'Ambassade de Suisse (culture, presse et communication). Suit une expérience associative auprès d'enfants en difficulté de langage et parole. Plus tard elle attrape le virus de l'Italie, sa langue et sa/ses culture(s). Contrairement au covid c'est un virus bienfaisant qu'elle souhaite partager et transmettre. Membre-fondatrice et présidente d'Altritaliani depuis 2009. Coordinatrice et animatrice du site.

1 COMMENTAIRE

  1. ITALIE – La Découverte, un portrait multiple du Bel paese.
    ITALIE – La Découverte, un portrait multiple du Bel paese.

    5 juin 2013 à 09h51min

    Bonjour,
    J’ai acheté le livre cité et l’ai dévoré avec un très grand intérêt. Votre critique m’avait convaincue et je n’ai pas été déçue.

    Merci d’avoir porté ce livre à ma connaissance !

    Yanne

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.