Le Grand Pic Saint Loup, sur un air italien, avec carnet d’adresses

De la vallée de la Buèges au Pic Saint-Loup, à deux encablures de Montpellier. Un paysage entre vignes et oliviers aux allures transalpines. Où non sans hasard les vignerons et les producteurs d’huile d’olive utilisent des matériels industriels italiens.

Le Grand Pic Saint Loup ©Christophe Naigeon

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A quelques kilomètres au nord de Vérone, au cœur du terroir viticole de la Valpantena, dans le bourg industriel de Stallavena de Grezzana. En vingt années d’exercice, l’entreprise Albrigi, créée par Stefano Albrigi, s’est taillée une belle réputation dans la fabrication de matériels en tout genre, des équipements alimentaires, chimiques et pharmaceutiques, jusqu’à la construction de cuves en acier inoxydables, destinées à la vinification. Elle s’enorgueillit d’un carnet de 3 000 clients. Et privilégie aujourd’hui son volet œnologique, tourné vers le stockage et la fermentation du vin. Des équipements de haute technologie qui entendent les protections d’alliage de métal, les opérations de lustrage, de polissage, de stérilisation, l’entretien et le nettoyage, les finitions que représentent les soudures, les portes, les trappes, les couvercles, les jauges et les thermomètres. Du sur-mesure, que la société assure, avec un design propre à tout particulier/client. De quoi constituer des caves entières.

A trois encablures de là, toujours en Vénétie, près de Padoue : la petite ville de Camposampiero, réputée pour les fresques de Girolamo Tessari, consacrée à saint Antoine, son château féodal et sa chapelle de la Madonna della Salute du XVe siècle. La cité abrite le siège de l’entreprise Zorzi, créée voilà quinze ans, et tournée, comme la société Albrigi, vers la construction de cuves de stockage en acier inox pour le vin.

©Jean-Michel Very

Ce sont là autant de cuves à pression pour les mousseux, de cuves destinées aux blancs et aux rouges, de cuves horizontales, parallélipèdiques, de mélangeurs, de cuves de flottaison, de 50 à 280 hectolitres, équipées de gaines de refroidissement (pour contrôler automatiquement la température de fermentation) ou de réchauffement (pour entamer la fermentation). A l’instar de son concurrent, l’entreprise Zorzi soigne les finitions de ses cuves, les surfaces internes et externes, les cordons de soudure, l’assainissement. Les cuves peuvent être utilisées pour le stockage des vins, à température ambiante ou contrôlée. Et là encore, la société propose du sur-mesure.

Côté sud. Quoique. A Foligno, en Ombrie, dans la province de Pérouse. Où les usines Rapanelli se distinguent dans les machines en acier inoxydable pour la production d’huile d’olive. Fioravante Rapanelli a créé la société en 1922, suivant un héritage familial acquis au début du dix-neuvième siècle. Ça remet loin. Le temps qu’il faut pour faire connaître son huile partout en Italie et au-delà. Aujourd’hui, l’usine s’étend sur 18 000 m2. En termes techniques de broyeurs à rouleaux, elle se targue de système mécanique évitant l’émulsion entre l’eau et l’huile contenue naturellement dans les olives. Résultat : aucun réchauffement de la pâte d’olive, ni vapeur au cours du broyage, un temps de malaxage réduit et une qualité d’huile supérieure.

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Changement de cap, de pays, de région. En France, du côté du Languedoc, à quelques kilomètres au-dessus de Montpellier. Dans les garrigues odorantes, palpitantes de soleil. Tout alentour du Pic Saint-Loup et de l’Hortus.

Le Grand Pic Saint Loup ©Christophe Naigeon

Le premier bougre culmine à 658 mètres, le second récalcitrant, qui lui fait face, élève son arrogance à 512 mètres. Etirés sur une trentaine de communes, ces lieux trimbalent leur poésie rocailleuse.
«Nom de pays : le nom», écrivait Proust. Et pas des bottes comme ceux-là. Valflaunès, Saint-Jean-de-Cuculles, Sauteyrargues, Les Matelles, Saint-Gély-du-Fesc, Saint-Mathieu-de-Tréviers, Le Triadou… Une fleur des nerfs dans le paysage, qui emprunte tantôt aux Pouilles, tantôt à l’Ombrie. Ce ne sont pas les similitudes qui manquent. Ni le sacro-saint dans les appellations. Quoi ? Quès ? Une petite Italie, dans le Sud de la France. Avec ses fragrances. Rien de moins.

Qu’on s’explique : à trois jets de pierre de Montpellier. A l’Ouest, ce territoire prend sa source dans le massif de la Séranne et le Causse de la Selle, étayé par les gorges de la Buèges et de l’Hérault. A l’Est, il s’adoucit dans les ultimes ondulations qui précèdent les vives aux pieds des monts. De part et d’autre, la terre impose sa ruralité, se partage entre les villages médiévaux, les églises romanes, les fortifications, les mas, des petits chemins qui mèneraient nulle part, des rivières fantasques, des joliesses du dix-huitième siècle, des étendues de vignes… Par ci, par là.

©Jean-Michel Very

Pas de hasard si le terroir du Pic Saint-Loup, possède une longue tradition viticole. Phocéens, Romains, moines du Moyen Age l’ont perpétuée. La vigne, soumise aux variations hydriques et thermiques d’un climat contrasté y développe un caractère typé à travers trois cépages : ganache, syrah, mourvèdre. Le grenache jouit de sa rondeur et de son gras ; la syrah apporte la fleur, son parfum de violette, ses relents de cassis et de framboise ; le mourvèdre s’invite en vin de garde. Et si la vigne habille le paysage, les oliviers s’ajoutent dans le décor. Des oliviers aux usages pharmaceutique, vétérinaire et phytosanitaire et surtout qui régalent les papilles, d’une variété à l’autre, fruitée, ardente ou douce.
Le domaine de l’Olivie en est un exemple parmi d’autres. Installé dans le mas de Fourques, dans l’encolure de Combaillaux, l’exploitation familiale a déjà fêté son cinquantenaire. Elle compte près de 10 000 arbres, cultivés en agriculture biologique. Et dont les olives sont traitées, exploitées par un matériel estampillé Rapanelli, qui broie, malaxe, décante, sépare. Non sans hasard encore. «C’est le meilleur matériel, les meilleurs outils qui nous permettent de produire la qualité d’huile d’olive recherchée», jugent les propriétaires, Pierre et Roch Vialla.

©Jean-Michel Very

Ce coin de l’Italie dans un paysage italien n’est pas unique. Dans ce territoire de vignes autour du Pic Saint-Loup, chez nombre de vignerons, on retrouve les cuves en acier inoxydables des entreprises Albrigi et Zorzi. Du Clos des Augustins au domaine du Haut-Lirou, en passant par le château de Lascaux. Le premier, chargé d’une histoire familiale, avec ses 22 hectares, s’est fait l’un des plus prestigieux coteaux du Languedoc, avec des vins de caractère. Biodynamie, petits rendements, des vendanges entièrement manuelles, un tri sélectif et un élevage en fût complétant harmonieusement la maturation. Ici, outre les cuves, même le pressoir est italien (marque Bella Tofola). Une raison simple, explique le patron, Frédéric Mézy : «Les produits italiens sont plus compétitifs sur ce type de matériels industriels.» Même approche, pareille analyse au château de Lascaux, à Vacquières, doté de cuves en béton italiniennes.
«Parce que l’Italie est un grand pays viticole qui n’a jamais perdu son savoir-faire et bénéficie de petites et moyennes entreprises historiques très fiables», observe Jean-Benoît Cavalier, à la tête de la vingtaine d’hectares du château.

Au domaine du Haut-Lirou, dirigé par Jean-Pierre Rambier, les vignes, sur 60 hectares, sont travaillées également de façon traditionnelle et raisonnée. Parmi la gamme de colles, l’un des fleurons de la maison demeure la cuvée «L’Esprit du Haut-Lirou», issue de trois parcelles sélectionnées, élevées exclusivement dans des barriques neuves de chêne après être passées par les cuves Albrigi. 65 % de syrah, 25 % de grenache et 10 % de mourvèdre. Une belle robe noire, limpide, brillant, des nuances de caramel frais, de réglisse et griottes, ample et caressant. En soi, un condensé de ce bout de terre français imprégné d’Italie.

Jean-Claude Renard

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Le Grand Pic Saint Loup ©Christophe Naigeon

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CARNET D’ADRESSES

Se loger :

Domaine de Saint-Germain : idéalement situé en face du Pic Saint-Loup. Déco soignée pour ses quatre gîtes indépendants et vue sur le Pic depuis la piscine. Route de Carnas RD 21, 34 160, Saint-Bauzille de Montmel.

www.mas-st-germain.com

Tél. 06 46 36 10 78.

Château de Valflaunès : dans les dépendances de la superbe bâtisse, un appartement d’hôtes remarquable. En contrebas, l’établissement de la Place du Vin propose une gamme complète des vins du Pic Saint-Loup. La Place du Vin, place Gabriel Calmels, 34270 Valflaunès.

Tél. : 06 10 54 58 88.

Se restaurer :©Jean-Michel Very

Le Pic Saint-Loup : un ancien chai, entre poutres et pierres. A l’ombre de micocouliers centenaires, la table est certifiée «cuisine et vin sincères». Amicalité garantie. Le Pic Saint-Loup : 176, route de Montpellier, 34270 Les Matelles.

Tél. : 04 67 84 35 18.

Mas de Luzière : dans un ancien domaine viticole du XIXe siècle. Cuisine de terroir. Mas de Luzière, 34 190 St André de Buèges.

Tél. : 04 67 73 34 97.

Trinque Fougasse : à l’arrivée à Montpellier ou au retour. Un établissement alliant cave, épicerie, bar à vin et restaurant. Très convivial, et gourmand. Trinque Fougasse, 1581 route de Mende 34 070 Montpellier.
Tél. : 04 99 23 27 00.

A déguster :

Le Caveau de Lascaux : tenu par la famille Cavalier depuis 14 générations (le cheval de Prjevalski orne l’étiquette des bouteilles). Le domaine, en agriculture biologique, propose de déguster ses meilleurs crus dans un ancien prieuré du XIe siècle. Le Caveau de Lascaux, place de l’Eglise, 34270 Vacquières.

Tél. : 04 67 59 00 08.

Domaine de L’Olivie : pour ses dégustations d’huile d’olive et ses déclinaisons. Mas de Fourques 34 980 Combaillaux

Tél. : 04 67 67 07 80.

Evénements :

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– Le premier week-end de juillet, à Saint-Jean-de-la-Buèges, se tient le Festival de la gastronomie languedocienne. Vignerons et chefs régionaux présentent leurs récoltes et leurs spécialités au sein d’un village comptant 150 habitants et qui, ce jour-là, accueille près de 3 000 visiteurs. Des stands culinaires et de grandes tablées, dans un cadre exceptionnel déclinent en toute sympathie une cuisine locale et inventive.

– En octobre se déroule la Vente aux enchères des vins du Grand Pic Saint-Loup à Saint-Jean-de-Cuculles. A vocation caritative, outre ses dégustations, elle propose 27 lots uniques et dont les bénéfices sont reversés aux Restaurants du cœur.

J.-C. R.

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Jean-Claude Renard
Jean-Claude Renard, journaliste à Politis et auteur, amateur passionné de gastronomie, a notamment écrit : avec Michel Portos, "Michel Portos. Le Saint-James en 65 recettes", (Flammarion, 2011) ; avec Yves Camdeborde, "Simplement bistrot" (Michel Lafon, 2008) ; avec Emmanuelle Maisonneuve, "Mots de cuisine" (Buchet-Chastel, 2005) ; "La Grande Casserole" (Fayard, 2002). "Arrière-cuisine" est paru aux éditions de la Découverte en 2014. Il a également publié "Marcello" (Fayard, 2002), "Céline, les livres de la mère" (Buchet Chastel, 2004), "Italie. Histoire, société, culture" (La Découverte, 2012), avec Olivier Doubre et "Si je sors je me perds" (éditions L'Iconoclaste, janvier 2018). Nous avons appris avec grande tristesse le décès de Jean-Claude, survenu le 31 octobre 2022 (https://www.politis.fr/articles/2022/11/en-memoire-de-jean-claude-renard-journaliste-a-politis-44997)