Alice et cetera de Dario Fo au Théâtre du Rond-Point

522-039.jpgTrois textes de Dario Fo et de son inséparable compagne Franca Rame, réunis par Stuart Seide, sont mis en scène au Théâtre du Rond-Point par ce new-yorkais émigré à Lille où il dirige le Théâtre du Nord et l’Ecole d’Art Dramatique. Ils ont été écrits au plus fort de la révolution sexuelle comme le «Mystère bouffe» monté à la Comédie-Française le mois dernier.

C’est un bel hommage rendu à celui qui obtint le Prix Nobel de Littérature en 1997 pour avoir… « dans la tradition des bateleurs médiévaux, fustigé le pouvoir et restauré la dignité des humiliés».

Le metteur en scène s’intéresse à la femme et aux relations hommes – femmes.

« Ce sont des histoires de femmes, ou plutôt de femmes et d’hommes car nous vivons ensemble, pour le meilleur et pour le pire. »

Ici c’est hélas le pire qui semble l’emporter ! Quant au rôle de l’humilié, c’est la femme qui s’y colle !

Le spectateur doit accepter d’être dans le cliché de ce que furent ces années de chambardement, voulant tordre le cou à la morale bourgeoise.

Dans Alice au pays sans merveilles,

la première de ces trois courtes pièces (qui parfois semblent bien longues), un trio de comédiennes épatantes dans leurs petites robes flashy personnifient une Alice qui tombe bien évidemment dans le trou. Elle y découvre un monde pas merveilleux pour deux sous, suit un lapin pervers et attend le chevalier de ses rêves. La forêt merveilleuse abrite le paradis de l’électroménager et la publicité nourrit les illusions de cette pauvre naïve.

« Tu es belle, tu es jeune, moderne, désirable, tu es une belle pute. »

L’ambiance est donnée, quelques grossièretés entrecoupées d’images salaces, sexe et rock’n’roll au profit de la Cause Féministe. Eculé, démodé ou d’une actualité redoutable ?

A vous de voir !

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Suit, Je rentre à la maison

ou les confidences d’une mère de famille délaissée et désenchantée dont la vie s’enlise dans le quotidien terne de «mille coïts dans la naphtaline». Elle se paye un grand coup de folie après un petit coup de blues. Un comédien, crédible et juste, Sébastien Amblard, joue ce rôle de ménagère qui pète tous les plombs et dont le réveil risque d’être difficile.

Après l’extase : «Je l’ai connu des pieds à la tête, peut-être… un peu trop…» , on sent bien que la routine va reprendre ses droits.

Enfin Couple ouvert à deux battants

fustige l’attitude du mâle qui veut convertir sa moitié aux bienfaits d’une sexualité libre et décomplexée. Lorsqu’elle est enfin convaincue, il n’est évidemment plus question d’amour libre, ce qui fait dire à Antonia que son mari ne supporte pas que le couple soit ouvert des deux côtés, à cause du courant d’air ! Boulevard ???

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Photo © Pidz

Caroline Mounier enlève le morceau par son interprétation étonnante de cette épouse en révolte contre les hypocrisies et les lâchetés qui semblent inhérentes à toute relation. Un abattage, un sens du rythme qui font oublier les redites et une certaine lourdeur du texte qui aurait mérité quelques coupes. Sa volubilité gomme le côté trop bavard du vaudeville et son jeu tout en nuances apporte la touche de subtilité qui manque au contenu versant dans la caricature et l’archétype.

Tous les comédiens (très jeunes) sont remarquables ; ils déploient une énergie et un dynamisme incroyables qui font plaisir à voir. Leur spontanéité emporte l’adhésion du public souvent pris à parti.

C’est joyeux et contestataire : «le sexe dérange, mais moins que les sentiments».

Chansons, danses (le tango de la feminista, le tango de la rébellion), ponctué de répliques cinglantes : «Elles vous baisent et vous jettent aux chiottes», jusqu’au feu d’artifice final.

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L’échec des sentiments, la débâcle du couple, le fiasco de l’émancipation féminine sont tournés en dérision, mais qui oserait remettre en cause le désir de liberté qui soufflait dans ces années-là ?

Marie Sorel

Informations pratiques :

Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris
Réservation : 01 44 95 98 21

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