Automne à Paris. Chronique sur des événements artistiques à ne pas manquer.

Sortir à Paris. L’automne c’est déjà maintenant! Que nous offre dans le domaine de l’art cette rentrée parisienne? Notre amie Catherine Leblanc, conférencière et historienne de l’art, de passage dans la capitale, s’est mise pendant quatre jours dans la peau d’«une touriste à Paris». Envie de se fondre aux étrangers qui découvrent les charmes de la ville, ses rues, ses jardins, et… quelques expositions. Elle prend ici plaisir à partager avec nous ses découvertes et émotions. Laissez-vous tenter par ses suggestions et partez sans tarder vous balader sur ses traces.


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J1 :

Envie de me fondre aux étrangers qui découvrent Paris. Flânerie à Montmartre, sans but précis. Mes pas m’ont conduits au « Mur des je t’aime » square Jehan Rictus, au métro Abbesses. 40 m2 de carreaux de céramique sur lesquels sont inscrits « je t’aime » en 250 langues ! Un mur qui ne sépare pas mais unit ! Il relie tous les êtres qui s’aiment sur la planète. Juste derrière, un petit jardin de curé avec des plantes aromatiques à l’ombre de treilles chargées de grappes de raisin. Et partout, partout, des fresques sur les murs !

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Le « street-art » est devenu un art à part entière et ce serait une erreur de le mépriser (les précurseurs s’appelaient Jean-Michel Basquiat ou Keith Haring dans les années 80)…. Et à côté de cela, rue Gabrièle, un très beau dessus de porte XVIIIe en terre cuite représentant des putti en pleine vendange ! C’est ça le charme de Paris, ce raccourci entre un passé si riche et l’époque contemporaine.

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J2 :

Je traverse le jardin des Tuileries, où les garçons de café ont retrouvé le sourire : les touristes asiatiques reviennent à Paris, en nombre, après une désaffection sévère…. Je me rends au Musée des Arts Décoratifs et je découvre l’exposition la plus exceptionnelle de l’été: « Christian Dior, Couturier du Rêve » (jusqu’au 7 janvier 2018), à ne manquer sous aucun prétexte! La maison Dior, fête ses 70 ans.

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La mise en scène est d’une beauté rare et intègre intelligemment des procédés technologiques de pointe qui nous plongent dans un monde onirique, le tout culminant dans la grande nef du musée, transformée pour la circonstance en une salle de bal flamboyante….

L’exposition nous raconte, en reconstituant les lieux de vie de Christian Dior, l’histoire de ce créateur de génie, qui après de brillantes études, décide d’ouvrir une galerie d’art où il fait la part belle aux surréalistes dont il était très proche (Regardez avec soin la plaque de bronze rectangulaire noire signée Giacometti, intitulé « Corps de Femme », on n’y comprend rien, puis déplacez-vous vers la gauche, et vous découvrirez le galbe d’une femme apparaître, comme par magie…. ).

En 1946, Christian Dior fonde sa maison de couture, avenue Montaigne, et en 1947 c’est la naissance du style New Look, avec le célébrissime tailleur « Bar ». La mort emporte Christian Dior en pleine gloire, 10 ans plus tard, mais son œuvre résonne jusqu’à aujourd’hui à travers les 6 directeurs artistiques qui lui ont succédé, présentés également dans l’exposition.

C’est à contrecœur que l’on se dirige vers la sortie, laissant derrière soi le rêve et la poésie. La Haute Couture n’existerait pas sans ces deux ingrédients.

Juste un petit bémol : les cartels sont si rapprochés les uns des autres et sans signe distinctif que cela entraîne une grande confusion dans leur lecture.

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Après un rapide piquenique à l’ombre des déesses-femmes si charnelles de Maillol qui se déploient à l’entrée des Tuileries, je traverse la Seine en empruntant la passerelle de Solferino pour aller voir l’expo consacrée aux “Portraits de Cézanne” au Musée d’Orsay (jusqu’au 24 septembre). Et, d’un seul coup, je passe du rêve aérien et coloré à un réalisme brutal, avec des visages abrupts et des tons bleu acier froids et sourds ! Seule touche de couleur : le gilet rouge du très beau portrait du garçon (au gilet rouge…) provenant de la National Gallery de Washington et qui claque réellement parmi ces tons austères.

Les séances de poses qu’infligeait Cézanne à ses modèles étaient si nombreuses qu’il préférait les imposer à ses proches et notamment à la douce Hortense, sa compagne puis épouse, qui posa, maussade mais docile pour une quarantaine de portraits ! Ce qui est frappant, c’est de constater que Cézanne ne manifeste aucune empathie vis-à-vis de ses modèles, qui ne sont en fait qu’un objet d’étude. N’a-t-il pas dit à Ambroise Vollard, à qui il imposa 112 séances de pose et qui commençait à s’impatienter : « Il faut vous tenir comme une pomme. Est-ce que cela remue, une pomme ? ».

Mais on pardonne bien volontiers à Cézanne son caractère rugueux car sa peinture (observez la modernité de sa touche « maçonnée », la multiplication des points de vue, l’usage de couleurs arbitraires, la géométrisation des formes…) porte en germe, toute la révolution picturale du XXe siècle. C’est à voir, bien-sûr, mais personnellement je préfère ses « Montagne Sainte-Victoire » aux couleurs si poétiques….ou ses natures mortes avec des pommes ou des oranges dans lesquelles on a envie de croquer!

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J3 :

Direction Centre Pompidou. Rue Saint-Martin, je constate avec satisfaction que l’église Saint-Merri a retrouvé toute sa fraîcheur à la suite d’un ravalement, je devrais dire, d’un sauvetage plus que nécessaire. En empruntant l’escalator du musée, je découvre, avec un ravissement inchangé, les toits et les monuments de Paris. Le ciel est dégagé, temps idéal pour prendre un pot sur la terrasse supérieure. Puis visite de l’exposition David Hockney que j’ai envie d’intituler : un jeune homme de 80 ans (jusqu’au 23 octobre). Une exposition pléthorique, David Hockney peint depuis 60 ans, une exposition offrant à voir une peinture joyeuse, très colorée, une peinture séduisante (serait-ce un défaut quand on la compare à la tendance actuelle qui nous donne à voir une peinture triste et démoralisante?), une peinture figurative à une époque où seule la peinture abstraite était admise, une peinture en évolution constante, où à l’instar de Picasso qu’il admirait tant, il a exploré des sources aussi variées que la Renaissance italienne, Vermeer ou Rembrandt, ou au XXe siècle, Balthus, Hopper, Matisse bien-sûr et beaucoup d’autres. Une peinture consacrée essentiellement au portrait et au paysage ou encore au portrait dans un paysage dans lequel il introduit une perspective inversée (comme au Moyen Âge) pour inclure le spectateur dans le tableau (très habile et efficace).

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Enfin, l’artiste fait appel depuis une quarantaine d’années aux technologies les plus en pointe de la reproduction (photo, ordinateur, tablette etc.) pour créer des effets nouveaux qu’on pourrait qualifier de post-cubistes en multipliant les angles de vue, en introduisant de la mobilité dans ses représentations ou pour étudier le temps qui s’écoule. Certes il s’agit d’une œuvre qui présente aussi ses limites, celles qu’impose l’art figuratif, mais David Hockney, cet artiste singulier, unique, à l’univers troublant, et qui déborde d’un optimisme et d’un humanisme communicatifs est incontestablement une icône de l’art contemporain. A ne pas manquer!

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J4 :

Autre découverte faite hier, 4 septembre, au Louvre et il faut se dépêcher car l’exposition se termine le 25 septembre : elle s’appelle “Dessiner la grandeur”. Elle nous présente le dessin à Gênes du XVIe au XVIIIe siècle, c’est à dire à l’époque florissante de la République. Il faut s’immerger dans ces dessins qui relèvent de différentes techniques (pierre noire, sanguine, rehauts de gouache blanche, sur papier neutre ou préalablement coloré, usage de hachures on au contraire de l’estompe …). Il faut rentrer dans le cadre parfois étroit de la feuille de papier pour découvrir tout un monde en mouvement grouillant de vie, illustrant soit une scène religieuse soit un épisode mythologique. N’oubliez pas de regarder les personnages secondaires, bergers rustiques d’une adoration, petites naïades souriantes aux seins rebondis. Ces 80 dessins sont la plupart du temps, des études pour des décors à fresques de palais génois et on est sidéré par la sûreté du trait parfois animé de vibrations, parfois plus linéaire, on est confondu par la façon dont l’artiste, d’un trait de pinceau blanc introduit lumière et volume ! Du grand art !

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Et pour finir, je me suis rendue du Louvre aux jardins du Palais Royal, où on nous propose – et c’est une expérience amusante – de plonger la tête dans de grandes jarres en terre cuite diffusant des parfums, à travers lesquels on évoque des personnages emblématiques qui ont fréquenté ces lieux (Cardinal de Richelieu, Anne d’Autriche, le Régent, Molière, Camille Desmoulin etc.) Cette exposition intitulée “Subodore”, un parcours olfactif inédit et gratuit de la créatrice Chantal Sanier, et en plus dans un cadre merveilleux, s’achève le 21 septembre. Faites vite !

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Catherine Saigne Leblanc

P.S. N’oubliez pas les journées du patrimoine (16 et 17 septembre) pour faire d’autres belles découvertes.

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Catherine Saigne Leblanc
Historienne de l'art et diplômée de l'Ecole du Louvre. Conférencière nationale.

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