Inimitable Mariangela Melato. Une grande dame de la scène italienne.

Mariangela Melato est morte à Rome dans la matinée du 11 janvier dernier, à l’âge de 71 ans. Pour les Français, ce nom ne signifie pas grand chose, mais pour les Italiens, il évoque immédiatement une actrice unique, exceptionnelle, rare.


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Née à Milan et fière de sa “milanaisité” – qui pour elle, était synonyme d’acharnement, de sérieux et de grande rigueur dans le travail – elle a commencé très jeune, à la célèbre Académie Philodramatique de Milan, puis au théâtre, et enfin au cinéma. Elle n’avait pas le physique d’une Juliette [Shakespeare], et surtout, elle n’avait pas la voix mélodieuse que l’on attend d’une jeune actrice: sa voix à elle, si caractéristique, l’a tout de suite entraînée vers des rôles de prostituée, de folle… Au théâtre comme au cinéma, elle a travaillé avec les plus grands metteurs en scène: Giorgio Strehler, Giuseppe Bertolucci, Mario Monicelli, Luca Ronconi, Pupi Avati, Lina Wertmuller, Luchino Visconti (qui disait d’elle «c’est un petit crapaud, mais avec une paire de couilles !!»). Et c’était peut-être cela qui sautait immédiatement aux yeux quand on regardait Mariangela Melato jouer au théâtre, au cinéma ou répondre aux questions d’un journaliste: sa force, son intelligence, son éclatante personnalité. Jamais banale, jamais prévisible: son regard, ses yeux immenses transportaient des émotions par milliers. Elle n’était pas de ces divas qui ont construit leur carrière sur leur beauté ou les courbes de leur corps: c’était une diva précieuse et rare, comme Anna Magnani, Bette Davis ou Katharine Hepburn… elle enchantait par son intelligence, par sa force, et non par ses lèvres ou ses seins gonflés. Elle fascinait, captivait par son tact, son brio, son esprit extrêmement vif, anticonformiste, courageux.

Elle a incarné des centaines de rôles: au cinéma, on retiendra surtout ses interprétations de la Milanaise snob et insupportable, aux côtés de Giancarlo Giannini dans la peau du “plouc”. Au théâtre, chacun de ses rôles reste inoubliable: Blanche dans Un tramway nommé désir, Mère Courage, la Médée d’Euripide… Son talent lui a valu les prix les plus prestigieux. Elle pouvait tout jouer: de la comédie musicale (elle chantait bien et dansait à merveille !) au rôle de Maisie, une enfant déchaînée, et jusqu’à son personnage particulièrement ardu dans L’Affaire Makropulos où elle incarnait une femme de 337 ans ! Elle était aussi d’une souplesse incroyable, malléable comme une poupée de coton: pour sa première apparition à la télévision, elle avait choisi … de sortir d’une valise !

Mariangela Melato était aussi une femme engagée : elle n’a jamais eu peur de dévoiler ses idées, de râler contre quelque chose ou quelqu’un (la situation déplorable de la télévision de ces dernières années, «destinée à rien d’autre qu’au lavage de cerveau des Italiens», l’incompétence des politiques, la curiosité morbide de certains journalistes, l’éternelle résignation des Italiens…).

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Je ne veux pas faire ici un éloge funèbre: mon but est simplement de donner envie au public français de découvrir cette immense artiste ! Depuis que je vis en France, il m’arrive souvent de me demander: comment se fait-il qu’il soit plus facile d’exporter la médiocrité plutôt que l’excellence ? Cette idée s’empare de moi à chaque fois que je me rends compte que les Français connaissent des chanteurs comme Umberto Tozzi ou Romina et Albano, mais ne connaissent pas Mina, Ornella Vanoni, Mia Martini… Et à vrai dire, moi aussi, quand j’étais adolescent en Italie, je connaissais les chansons de Lio et j’ignorais l’existence de Barbara ! Et cela vaut pour bien d’autres secteurs: cinéma, littérature… Donc pour remédier au désastre, je conseille à tous les Français bien intentionnés de se procurer les films de Mariangela Melato, les enregistrements de ses représentations théâtrales, d’écouter ses interviews sur internet et de lire les articles parus à l’occasion de sa mort.

J’ai moi-même un souvenir très cher de Mariangela Melato. Il y a si longtemps. J’étais un petit jeune d’une vingtaine d’années qui faisait ses premiers pas dans le milieu artistique. Elle interprétait Médée d’Euripide au Piccolo Teatro de Milan. De ce spectacle, je n’ai retenu qu’elle. La mise en scène, les décors, les autres acteurs… tout est désormais enfoui dans les profondeurs de ma mémoire. Mais son interprétation m’a marqué comme la foudre. Ce fut pour moi un vrai choc: j’ai vu le spectacle quatre ou cinq fois en quelques jours, au premier rang.

Grâce à un ami journaliste, j’ai eu la chance de rencontrer Mariangela Melato après une représentation et de passer une petite heure avec elle dans un bar.

J’étais extrêmement ému, confus, ingénu et j’ai dû dire une banalité après l’autre : elle m’écoutait parler de mon désir de devenir acteur, répondait à mes questions sur son interprétation… Finalement, elle m’a dit : «Le seul conseil que je peux te donner c’est : travaille, travaille et travaille toujours, comme un fou !»

Et c’est qu’elle a fait jusqu’au bout, avec discrétion et dignité. Juste avant Noël, la Rai a diffusé la célèbre comédie Filomena Marturano, filmée au théâtre peu de temps avant.

Quand un journaliste l’accusait d’être trop secrète, elle répondait «Ma vie privée… est PRIVÉE ! Allez vous faire foutre !» Et quand quelqu’un lui reprochait d’être trop mystérieuse: «Melato ne serait pas par hasard l’anagramme d’Amleto [Hamlet] ?»

Merci Mariangela: il en faudrait tellement des étoiles comme la tienne pour illuminer un peu plus le ciel noir de notre pays !

Cesare Capitani

Traduction de Charlotte Leclerc

[n.d.r.]Comédien, metteur en scène et auteur, Cesare Capitani est actuellement de retour au Lucernaire à Paris et jusqu’au 17 février avec « Moi, Caravage ». Un spectacle intense, fort et émouvant.

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TESTO ORIGINALE DELL’ARTICOLO IN LINGUA ITALIANA

Mariangela Melato è morta la mattina dell’11 gennaio scorso, a 71 anni, a Roma. Per i francesi questo nome non significa molto, ma per gli italiani evoca immediatamente un’attrice unica, eccezionale, rara.

Nata a Milano e fiera della sua « milanesità » – che per lei era sinonimo di testardaggine, rigore e grande serietà nel lavoro – aveva iniziato giovanissima alla celebre Accademia dei Filodrammatici di Milano, poi il teatro, poi il cinema. Non aveva un fisico da Giulietta e soprattutto non aveva la voce flautata che ci si aspetta da una giovane attrice : la sua voce, inconfondibile, l’ha diretta subito verso ruoli di prostituta, di pazza… Ha lavorato con i più grandi registi di teatro e di cinema: Giorgio Strehler, Giuseppe Bertolucci, Mario Monicelli, Luca Ronconi, Pupi Avati, Lina Wertmuller, Luchino Visconti (che diceva di lei « è una ranochietta, ma ha due palle !!). Ecco è forse questo il carattere che saltava subito agli occhi vedendo Mariangela Melato recitare in teatro, al cinema o rispondere alle domande di un giornalista. : la sua forza, la sua intelligenza, la sua strepitosa personalità. Mai banale, mai scontata : il suo sguardo, i suoi occhi immensi veicolavano migliaia di emozioni. Non era una diva di quelle che hanno creato la loro carriera sulla bellezza o sulle curve del proprio corpo : ma era una diva rara come Anna Magnani o Bette Davis o Katharine Hepburn… lei incantava con il suo spirito, con la sua forza, non con seni e labbra gonfiate. Lei affascinava, conquistava con il suo acume, con il suo brio, con il suo spirito estremamente vivo, anticonformista, coraggioso.

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Ha incarnato migliaia di ruoli : al cinema sono indimenticabili i suoi ruoli di milanese snob e insopportabile accanto al grande Giancarlo Giannini, nei panni del « terrone », in teatro ogni suo ruolo è rimasto indimenticabile : la Blanche di Un tram chiamato desiderio, Madre Coraggio, Medea di Euripide… Il suo talento le ha portato i premi più prestigiosi ! Poteva recitare di tutto : dalla commedia musicale (cantava bene e ballava benissimo !) al ruolo di Maisie, una scatenata bambina fino al difficilissimo ruolo ne L’Affare Makropulos in cui incarnava una donna di 337 anni ! Era dotata di una fisicità incredibile, snodata come un pupazzo di stoffa: per la sua prima apparizione televisiva scelse di… uscire da una valigia !

Mariangela Melato era anche una donna « engagée » : non ha mai avuto paura di dichiarare i suoi pensieri, di « incazzarsi » contro qualcosa o qualcuno (lo stato deplorevole della televisione degli ultimi anni « intenta solo al lavaggio del cervello degli italiani !», i politici incapaci, la curiosità morbosa di certi giornalisti, l’eterna rassegnazione dei nostri connazionali…)

Non voglio fare qui un elogio funebre : il mio desiderio è quello di dare la voglia al pubblico francese di conoscere questa nostra immensa artista ! Da quando vivo in Francia mi capita spesso di chiedermi : come mai è più facile esportare la mediocrità invece dell’eccellenza ? Questo pensiero mi assale ogni volta che mi rendo conto che i francesi conoscono cantanti come Umberto Tozzi o Romina e Albano e non conoscono Mina, Ornella Vanoni, Mia Martini… E a dire il vero, anch’io, quand’ero adolescente in Italia, conoscevo le canzoni di Lio ed ignoravo Barbara ! E questo vale anche per gli altri settori : cinema, letteratura… Dunque per rimediare a questo scempio, consiglio a tutti i francesi di buona volontà di procurarsi i film con Mariangela Melato, le registrazioni dei suoi spettacoli teatrali, di ascoltare le sue interviste su internet, di leggere gli articoli apparsi in occasione della sua morte.

Io ho un ricordo molto caro di Mariangela Melato. Tanti anni fa. Ero un ventenne che tentava i primi passi nell’ambiente artistico. Lei recitava Medea di Euripide al Piccolo Teatro di Milano. Di quello spettacolo ricordo solo lei. La regia, le scene, gli altri attori… tutto è ormai sprofondato nella nebbia della memoria. Ma la sua interpretazione resta come una folgore. Fu per me un vero choc : vidi lo spettacolo quattro o cinque volte in pochi giorni, in prima fila.

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Grazie ad un caro amico giornalista ebbi la fortuna di incontrare Mariangela Melato alla fine di una rappresentazione e di passare con lei un’oretta in un bar. Io ero emozionatissimo, confuso, ingenuo e certamente dicevo una banalità dietro l’altra: lei mi ascoltava parlare dei miei desideri di diventare attore, rispondeva alle mie domande sulla sua interpretazione… Alla fine mi ha detto « L’unico consiglio che posso darti : lavora, lavora e lavora sempre come un matto ! »

Ed è quello che lei ha fatto fino alla fine, con discrezione e dignità. Poco prima di Natale la Rai ha mandato in onda la celebre commedia Filomena Marturano registrata poco tempo prima.

Quando qualche giornalista l’accusava di essere troppo misteriosa lei rispondeva « La mia vita privata… è PRIVATA ! Sono cazzi miei ! » Quando qualcuno la rimproverava di essere troppo misteriosa lei rispondeva «Melato, non è forse l’anagramma di Amleto?».

Mariangela : ce ne vorrebbero tante di stelle come la tua per illuminare un po’ di più il cielo cupo del nostro Paese !

Cesare Capitani

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