Caltagirone, la ville de la céramique sicilienne. Problématiques du décoratif.

Le thème du décoratif et de l’ornement en architecture hante depuis longtemps l’histoire de l’art et l’esthétique. Nous allons l’aborder via les artefacts en céramique du monde islamique jusqu’à une ville oubliée d’Italie, resplendissante de faïences, Caltagirone, dans la province de Catane en Sicile.

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A cette fin il faut revenir à la question de la définition de ce que nous appelons «ornement». Selon une première définition qui remonte à la Renaissance et qui est toujours opératoire, l’ornement est une ensemble de techniques et de motifs, souvent regroupés en listes et associés principalement –mais pas exclusivement- avec les arts industriels ou bien recouvrant des surfaces architecturales. Comme le suggérait Léon Baptiste Alberti, l’ornement est quelque chose que l’on ajoute à un mur déjà construit ou à un objet qui peut remplir sa fonction sans cet ajout. Contradictoire, l’ornement a toujours bénéficié d’acceptions diverses. Dont l’une est que ces motifs ou sujets n’ont en général pas de sens, iconographique ou autre, en dehors de l’objet ou de la surface sur lesquels ils se trouvent et la technique de leur création incite à une répétition plus ou moins infinie. A l’inverse du grand art figuratif de la représentation, l’ornement n’est jamais unique et peut toujours être copié. La catégorie épistémologique à laquelle il appartient n’est pas celle des œuvres d’art, mais plutôt celle des objets religieux, peintures et sculptures, comme les icônes chrétiennes ou d’autres objets religieux (les statuettes de Lourdes etc.) qui peuvent être copiés ad infinitum sans perdre de leur valeur première pieuse ou esthétique de souvenirs. Ainsi l’on se pose la question ardue de l’illusoire distinction entre les arts dits mineurs et les autres, on rentre dans le débat sur le décoratif toujours à la une de l’histoire de l’art et des idées, des spéculations esthétiques et de l’architecture.

A ce sujet, la démarche de recherche contemporaine s’articule autour d’une méthodologie d’approche mixte, où se croisent plusieurs parcours en transversalité: littéraire, historique, socio-économique, épistémologique et géopolitique. Pour mieux illustrer le sujet, nous avons choisi de cerner ce phénomène complexe, articulé et chronologiquement stratifié dans l’une des régions les plus sensibles de la planète. Là où se tressent depuis toujours les intérêts et les contradictions de notre civilisation – le monde méditerranéen, le Moyen Orient, la route des épices et de la soie, les vies du commerce et des conquêtes, le théâtre de guerres sanglantes – et de l’associer à l’histoire des territoires, des nations, des pouvoirs régisseurs et des cultures, pour arriver symboliquement et concrètement à la Sicile comme métaphore, selon la définition du grand écrivain sicilien Leonardo Sciascia.

Céramiques de Caltagirone

Dans ce territoire insulaire problématique, une ville, jadis richissime, où le phénomène qui nous intéresse est devenu l’heureux symbole du développement durable du territoire, faisant d’un village au cœur d’une terre volcanique, un environnement difficile à exploiter, un centre de rayonnement économique, culturel et social autonome vis à vis de pouvoirs oppressants. Pouvoir politique, pouvoir religieux, tous les deux besogneux d’ordre, de stabilité et donc de décor.

L’ornement en céramique à Caltagirone, coté cité et architecture, a déterminé son développement durant deux millénaires pour être banalisé et abandonné au folklore par le manque de vision politique et culturelle des pouvoirs centraux et des collectivités locales modernes et contemporains. A partir de l’Unité d’Italie en 1861, cette industrie a subi un flétrissement car trop libre et indépendante culturellement par rapport aux pouvoirs territoriaux insensibles aux spécificités du territoire à son histoire, à sa culture. Mauvais gouvernement, mauvaise gouvernance, infiltrations de pouvoirs économiques obscurs, régression culturelle ont fragilisé pour toujours le phénomène de l’industrie «calatine[[De Caltagirone.]]» de la céramique, vidée de son sens social et culturel pour devenir un marché de souvenirs pour touristes, détachée du tissu vivant de l’économie du territoire. Pas un procédé conceptuel de notre temps mais une volonté sans pensée, uniformisatrice. Bien autre chose des courants «Modernistes» du XXe siècle qui ont tenté d’effacer le décoratif mais pas le décor et ils ont crée l’antithèse de l’ornement pour en faire un concept très décoratif et une contre-culture puissante et inséparable de la spéculation du développement de l’industrie et de l’économie politique au sein d’un territoire culturel. Malgré tout ça l’ornement perdure et a pris du sens surtout dans le domaine de l’architecture qui a porté au plus haut point la réflexion dans ce domaine. Elle s’en empare même aujourd’hui de nouveau grâce aux technologies et aux matériaux en tant que «matière même de la peau d’un bâtiment [[Antoine Picon «Ornement et subjectivité, de la tradition vitruvienne à l’âge numérique. L’ornement hier et aujourd’hui: discontinuités et continuités», Le visiteur, Paris, Société française des architectes et Infolio, n°17, novembre 2011.]]». L’ornement reste un phénomène irréductible tant d’un point de vue anthropologique, où il a une valeur structurelle, que du point de vue esthétique où sa présence n’est plus contestée.

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L’ornement résiste, même à Caltagirone où ont été faits des efforts pour restaurer l’escalier monumental recouvert de carreaux en céramique polychrome et le jardin public aux énormes «Mascheroni» et vases en céramique jaune et bleu. Sur ce terrain de l’architecture et de l’art publique persiste le rapport entre une surface et son recouvrement, il y a oscillation du décor au décoratif, dans laquelle l’ornement est l’opérateur de cette distinction. Dans l’espace public, le décor de l’objet d’architecture devient manifestation d’art dont le message est, comme le dit Yona Friedman [[Yona Friedman, L’architecture de survie. Une philosophie de la pauvreté, Paris, Editions de l’Eclat, 2003.]], «rempli de signification sociale». En incitant aux décorations éphémères, cet architecte humaniste contemporain veut donner à la ville des mimiques changeantes qui communiquent nos humeurs. Orner la ville est son principe qu’il traduit en ces termes: «Le tapis urbain, les façades peintes, le décors éphémères aideront peut-être à la réintroduction de la culture urbaine de jadis dans la ville contemporaine, pauvre ou riche». «Cette utopie réalisable» se fait réalité. Jadis, au temps de la culture urbaine dans le monde islamique on a pu affirmer que […] aucune architecture n’a pu tirer le ciel à soi comme l’architecture arabe. Ici, le ciel et la terre sont confondus dans une étreinte[…] [[Pierre Bernard, Liminaire in Hassan Fathy, Construire avec le peuple. Histoire d’un village d’Egypte: Gourna, Sindbad, 1970, p.14.]].

Pour les peuples du désert le rêve d’eau et de la terre est le résultat de l’étreinte. Le flux du liquide magique se cristallise et forme une peau bleu, dans toutes ses nuances, jusqu’au turquoise, le vert, le violet des carreaux de céramique qui relient la terre au ciel frôlé par les minarets et les coupoles gainés de faïences. La terre devient une propriété et non le sol poussiéreux qu’emporte le vent durant le déplacement des caravanes. Dans ce contexte, les mosaïques et bandeaux d’azur, étincelles d’or, végétaux et faune mythique, écriteaux et aphorismes deviennent les signes de la pietas musulmane et l’art d’artisans inconnus d’Asie centrale qui lustrent de cuivre – la peinture lustrée qui donne un reflet métallique à un objet – la vaisselle et les morceaux de terre émaillée à partir du VIIIe siècle en Irak. Ainsi ni le froid ni le vent n’arrivent à offenser et à détruire les formes du temps : l’architecture sacrée, les maisons de la sagesse, les tombes, les palais royaux et les habitations des riches marchands. Un art de remplacement et d’imitation, car la vaisselle en or ou en pierres précieuses est rare et comme en Chine le céladon remplace le jade, privilège du pouvoir suprême, ici on invente la cuisson métallique avec les minéraux du désert et on imite le bleu cobalt des modèles chinois. Désirs d’ailleurs, témoignage et fierté des échanges et de l’errance du peuple du désert. Texture minérale d’un art délicat qui voyagera dans le temps jusqu’aux «Arabesques» de l’Art Nouveau et du design contemporain [[Voir, entre autres, l’œuvre d’aménagement urbain du designer Marc Aurel, concepteur lumière, industries CRAFT, ville de Limoges.]].

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Dans le monde islamique, et ailleurs jusqu’à nos jours, l’ornement participe de l’aspect du quotidien en tant que principe, action ou objet. Il déjoue les catégories de l’utilité et de la fonctionnalité, du supplément et de la structure. Quand il se lie à l’architecture ou à la ville par exemple, ce désir d’art associé à un désir de beauté devient chose publique. Ces artisans-peintres infatigables, qui suivirent Timur et sa dynastie, les Khans et les sultans, les shahs et les généraux soviétiques, jusqu’à nos jours refont sans cesse les morceaux effrités par les guerres, de Syrie jusqu’en Afghanistan : refaire la toile du temps et du rêve d’azur, le temps d’une Sourate. Oleg Grabar, le spécialiste de l’art islamique, a dit récemment que «L’ornement n’est plus une chose mais une émotion, une passion, une idée qui affecte tout ce qui est créé par les artistes et les artisans. C’est une propriété de l’œuvre qui transforme celui qui la regarde»[[Oleg Grabar, De l’ornement et de ses définitions, éditorial, “Ornement/Ornemental”, Perspective la revue de l’INHA, n° 1, 2010/2011.]] car l’autre sens du mot
«ornement» passe les bornes de la spécificité et rentre dans celle, plus intéressante, du plaisir, le sentiment de plaisir que l’on ressent en le regardant. Plaisir spéculatif aussi car dans le monde islamique, les premières décorations de faïences, sont aussi le résultat des calculs algébriques des mathématiciens: les théories fondamentales de la répétition, des algorithmes et de la géométrie appliqués à l’architecture des cités. Nous savons que, qu’il soit géométrique, arabesque ou écriture, l’ornement est soumis à des règles récurrentes, comme la répétition, la démultiplication, les enroulements, les combinatoires algorithmiques, pour offrir une expérience vertigineuse du motif. Les motifs islamiques représentent ces éléments circulant d’une culture à l’autre. Nous allons examiner plutôt ses points de fuite ver la mer encaissée dans les terres, la Méditerranée. Mais enfin une question se pose encore: d’où vient la puissance sensible, la force extérieure à l’objet qui lui permet d’être conçu, acquis et échangé – une force économique contractuelle – de l’ornement ?

Celui-ci fait partie, depuis toujours, des dépenses somptuaires que, même contestées, sont une condition sine qua non pour l’affirmation d’un pouvoir et son existence. Elles sont le lieu de cristallisation des rapports de force mis en jeu dans l’établissement d’un pouvoir et d’un contre-pouvoir. Elles appartiennent au principe de la règle de la dépense «dont l’ornement est le signe le plus visible et le plus constant de son accomplissement»[[Jacques Soulillou, Le livre de l’ornement et de la guerre, Marseille, Parenthèses, 2003.]] permettant d’associer pouvoir, puissance et possession. Ornements signes de ruines et de conflits, appareillage du pouvoir, images de force et de beauté futiles mais nécessaire à la domination, soit. Pourtant la contradiction interne à l’ornement apporte aussi de puissants signes de vie comme ce bruit délicat qui nous arrive des profondeurs de l’Histoire: celui de la goutte discrète des fontaines en faïences qui coule à Grenade dans les jardins arabes d’un pays conquis mais enrichi des savoirs et des connaissances des arts du feu et de la terre. Les artisans font du commerce, fuient les conflits insensés – ou parfois les provoquent par avidité – et les guerres de religion, exportent les techniques et l’expérience, voyagent et apprennent des ruines du passé : Byzance et Rome et leurs mosaïques, leurs architectures. Dans ce contexte, les artisans inventent et expérimentent, échangent avec les artisans des pays occupés ou, captifs lors des guerres fratricides, s’agglutinent en groupes savants accueillis par la solidarité intéressée des confrères – comme ce fut le cas à Caltagirone.

La décoration en faïences de l’espace architectural du monde arabe suit la route de la soie vers l’est et les itinéraires des émirs conquérants en Méditerranée. A l’époque Fatimide – 827/902 – première escale, l’île, la grande, la terre des volcans et du blé. Du désert à l’autre terre où paissent les bœufs du Soleil, la Sicile assoiffée. L’eau qui lie, qui donne, qui partage, qui nourrit est la métaphore de l’élément vital qui anime le commerce : la volonté d’innovation, la créativité des artisans céramistes de Caltagirone -la «Forteresse des sangliers» selon le géographe arabe Idrîsî [[Idrîsî, La première géographie de l’Occident, GF Flammarion, 1999, p. 330.]] – nichée sur son promontoire d’argiles précieuses. Les racines de l’art de la terre cuite «calatina» remontent à la préhistoire. Des anciens fours et des caves d’argile ont été découverts depuis le XVIIIe siècle et la fouille archéologique se poursuit jusqu’à nos jours.

Faiences_islamiques_3.jpgL’arrivée des Fatimides en Sicile apporta l’esprit de l’exploitation des ressources naturelles du site et de l’essentielle industrie du miel qui demandait beaucoup de poteries pour la conservation du produit qui, à l’époque, remplaçait le sucre. Les artisans à la suite des conquérants transmirent les secrets de leur art aux artisans siciliens. Dans les caves et les anciens fours, les archéologues ont trouvé des tessons et de la poterie musulmane aujourd’hui conservés au Musée Régional de la céramique de Caltagirone.

Par la suite, des privilèges de possessions de terres et des diplômes attribués aux habitants de la ville – que tous les pouvoirs musulmans et chrétiens voulaient préserver des conflits à cause de son industrie de la terre – par les rois normands et l’arrivée d’autres transfuges arabes enrichirent considérablement la communauté des artisans et la ville. Protégée par son industrie celle-ci, de Frédéric II de Souabe – l’Hohenstaufen cultivé et admirateur des arts et des sciences arabes – aux autres monarques, devient un pôle d’attraction et de protection pour tous les céramistes de l’île. Durant la domination espagnole arrivèrent à Caltagirone les faïences hispano-moresques de la Catalogne. D’autres fiefs furent donnés par les rois espagnols à la ville et aussi des privilèges d’exemption d’impôts, d’organisation de foires et marchés hors les droits de douane. Les documents d’archive de la ville «calatine» et les documents paroissiaux témoignent d’une augmentation démographique au début du XVe siècle car de nombreuses familles de céramistes s’installent en ville et dans le territoire environnant, tissant des liens avec d’autres centres de fabrication des céramiques dans le reste de la péninsule. En somme, du Moyen-Âge à nos jours, avec des périodes heureuses et d’autres de crise – en 1693 la ville fut entièrement détruite par un tremblement de terre – ces ateliers diffusés dans la ville et réunis en confréries puissantes, ont représenté la ressource économique et culturelle de cette ville sicilienne qui a fait tourner l’Histoire de son expansion et de sa fortune autour de ces fours et de ces ateliers. Souverains normands, allemands, espagnols, nobles, bourgeois, riches familles de propriétaires terriens, évêques, peuple, notables, maires ont utilisé ces chefs d’œuvre en céramique (carreaux, bandeaux, bordures, vases, vasques, escaliers…) pour leurs architectures publiques et privées, pour célébrer les temps de la vie et de mort ou de la vie quotidienne tout en respectant la liberté créatrice des artistes-artisans, travaillant sur un canevas thématique mais libres de l’imaginer à leur guise. Les céramiques de la Renaissance, les «maioliche», les décorations baroques, du siècle des Lumières et à suivre, foisonnent dans la ville, témoignent, représentent les histoires de la communauté, les cycles de la nature, la protection des maisons de l’offense du temps et du mauvais sort. Elles témoignent aussi de la pietas sous forme d’images votives d’une grande fraîcheur stylistique. Enrichir de couleurs (le célèbre jaune et bleu de Caltagirone, chromatisme séduisant le peintre Renoir, en voyage en Sicile en 1882 et qui pose les céramiques de Caltagirone dans nombreux de ses tableaux [[Voir le tableau d’Auguste Renoir Les jeunes filles au piano de 1892, Paris, Musée d’Orsay, où l’on voit sur le piano l’albarelle aux couleurs «calatini» et encore l’autre version du tableau, conservé dans une collection privée, où l’albarelle a été remplacé par un vase-boule typique de la production du XVIIIe siècle à Caltagirone.]] ) pour affirmer l’identité citoyenne, pour raconter le rapport au temps et faire sens avec le territoire.

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Une ville musée Caltagirone, aujourd’hui un peu poussiéreuse, où le Musée de la Céramique est l’écrin des merveilles gardées, mais la ville en soi est l’écrin des céramiques à ciel ouvert. Oeuvres in situ dans le tissu urbain, où les trottoirs, les façades des palais et des maisons, le jardin public, les fontaines, les clochers, les pharmacies et les architectures d’intérieur ou les revêtements des sols et des murs créent une iconographie somptueuse de jardin botanique, inventent des bestiaires, illustrent le goût et la culture de la civitas sicilienne. A souligner la collaboration des artisans avec les architectes pour la conception et mise en oeuvre des pavements en céramique à partir du XVIIIe siècle, l’échange réitéré avec les maîtres maçons et les «figurinai», les artistes dessinateurs. Au sein de ces échanges, tous ce métiers enrichis de valeur ajoutée se transmirent de père en fils, au sein de familles organisées en entreprises à gestion familiale ante litteram.

Escalier de Santa Maria del Monte à Caltagirone

Nous avons essayé de parcourir brièvement les migrations des symboles et des styles suivant l’histoire de la conquête de la Sicile par les Arabes, l’émigration des artistes – artisans jusqu’à Caltagirone, la ville en faïence, où les ateliers des céramistes devinrent autonomes de la présence arabe et constituèrent le cœur de l’économie et du développement urbain. Nous avons utilisé les manufactures «calatine» enchâssées dans la pierre de la ville en tant qu’exemplum d’une «économie» de la réussite, pour arriver à une vision contemporaine fort critique car la mondialisation culturelle risque de détruire cette particularité et vider de sens la mémoire, voir l’histoire d’une ville et d’une communauté.

En regardant les motifs floréals, les constructions à ramages imitant les marbres précieux des riches demeures, les figures peintes sur les vases – boule ou sur les albarelles, carreaux des pavements, revêtements des murs, etc., les représentations anthropomorphes, les plantes du paysage environnant et aujourd’hui en voie de disparition, les animaux domestiques ou métaphoriques, nous avons compris que ces motifs viennent surtout de l’imagination des artistes, de leur culture, du monde de l’imaginaire populaire et savant de leur temps.
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Nous savons que durant la Renaissance, les artistes-artisans s’inspiraient de la littérature (Pulci, Boiardo, Tasso, Ariosto), des contes populaires, des sagas chevaleresques et de l’histoire antique. Au XVIIe siècle, de la tradition alchimiste, pythagorique et ésotérique et religieuse [[Plusieurs pavements et carrelages pour les confréries religieuses ou les couvents représentent des «Vanités».]], ces motifs perdurent foisonnants jusqu’au XVIIIe siècle, là ou commence le déclin de l’inspiration des artisans à cause de la crise structurelle du phénomène ornemental et peut-être de l’affaiblissement des commandes, passant de grandes familles aristocratiques siciliennes aux besoins d’ornement d’une nouvelle classe dominante, moins versés dans les dépenses somptuaires. Crise d’inspiration et économique qui recule un peu au début du XXe siècle grâce aux techniques innovatrices de l’industrie du bâtiment utilisant les panneaux en terre cuite travaillés aux motifs de l’Art Nouveau. Une tendance forte en Sicile, où la riche bourgeoisie [[Voir l’histoire de la famille des industriels Florio à Palerme.]] commande aux industriels des arts de la terre [[Voir l’industrie «calatine» de la famille Vella.]] les panneaux préfabriqués reproduisant les entrelacs d’une flore méditerranéenne et orientale figée dans son élégance pérenne.

Ces références et citations témoignent aussi d’un peuple d’artisans cultivés et sensibles à la culture de leur temps ainsi qu’aux échanges avec les artistes céramistes d’ailleurs. Dans la péninsule: à Faenza, Urbino, Deruta, Castelli, Montelupo et dans le reste de l’île. Au XIXe et XXe siècles, les contacts avec les artistes – artisans espagnols, français et portugais deviennent des éléments d’innovation et d’enrichissement, jusqu’aux désastres des guerres du XXe siècle et des drames d’une terre comme la Sicile qui fatigue à retrouver l’esprit du commerce et des échanges du temps des ses artisans bâtisseurs de beauté.

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Maria G. Vitali-Volant
Maria G. Vitali-Volant : nata a Roma, laureatasi all’Università di Roma; abilitata in Lettere, storia e geografia; insegnante e direttrice di biblioteca al Comune di Roma, diplomata in Paleografia e archivistica nella Biblioteca Vaticana, arriva in Francia nel 1990 e qui consegue un dottorato in Lettere, specializzandosi in Italianistica, con una tesi su Giuseppe Gorani, storico viaggiatore e memorialista nel Settecento riformatore. Autrice di libri in italiano su Geoffrey Monthmouth, in francese su Cesare Beccaria, Pietro Verri, è autrice di racconti e di numerosi articoli sull’Illuminismo, sulla letteratura italiana e l’arte contemporanea. In Francia: direttrice di una biblioteca specializzata in arte in una Scuola Superiore d’arte contemporanea è stata anche insegnante universitaria e ricercatrice all’ Université du Littoral-Côte d’Opale e à Paris 12. Ora è in pensione e continua la ricerca.

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