Caravage en cuisine / Caravaggio in cucina

“Caravaggio in cucina” est le titre insolite sous lequel Renato Marcialis a regroupé un projet très surprenant (à découvrir dans l’interview ci-dessous, la video et le portfolio). L’auteur n’est ni peintre, ni cuisinier, il est photographe et d’un genre particulier: il se consacre à la photo oeno-gastronomique et à promouvoir à travers cette spécialisation des produits alimentaires authentiques et de qualité. Le projet “Caravaggio in cucina” a fait l’objet de plusieurs expositions en Italie. Il est actuellement présenté près de Bergame dans le superbe cadre du Castello di Grumello.

Un peu d’histoire

Né à Venise, Renato Marcialis est placé en apprentissage par ses parents chez un photographe milanais dès l’âge de 15 ans. Par la suite, après avoir créé son propre studio et sa galerie d’art dans la capitale lombarde, il s’essaie aussi bien à la photo de mode qu’au reportage photographique et à la photo publicitaire, pour finalement faire le choix de renoncer à partir de 1992 à tous ses clients « no food ». Ce choix courageux est sans doute la clé de son succès. Ses commanditaires sont ainsi des entreprises agro-alimentaires pour lesquelles il élabore photos de presse, affiches, emballages, ou bien de grands restaurants. Mais il a aussi à son actif l’illustration de nombreux livres de recettes de cuisine ou de cocktails, et a déjà exposé son projet photographique « Caravaggio in cucina » dans plusieurs villes italiennes.

Du 17 mai au 8 juin 2014, il expose ses photographies à la Tenuta Castello di Grumello (castellodigrumello.it), un lieu enchanteur entre Bergame et le lac d’Iseo (voir la vidéo en fin d’article).

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Comment explique-t-il son intérêt pour la photo à thème gastronomique?

« Déjà enfant, dit-il, je me sentais bien parmi les casseroles et les fourneaux. Sans doute en suis-je redevable aux chromosomes de mes proches: un grand-père chef de cuisine sur des bateaux de croisière, un père barman, un oncle Cordon bleu de France, et, puisque bon sang ne saurait mentir, mon fils Ricardo est lui même chef de cuisine. Cependant, à la différence de mon grand-père qui préparait des plats pour le plaisir gustatif des commensaux, moi je les photographie et cherche à les faire déguster avec les yeux. »

Pour déclencher ce plaisir sensoriel, l’art de Renato Marcialis consiste donc à donner un rendu esthétique à des produits alimentaires de consommation courante. Il apporte ainsi un soin tout particulier à la composition de ses images pour mettre ses sujets en valeur. Le cadrage est essentiel: l’objet est souvent présenté au premier plan et se détache sur un fond monochrome assez neutre. Un éclairage ciblé rend tangibles les contours, les formes, la texture du sujet et met en relief les couleurs, les reflets, la brillance des différents éléments.

Dans l’exemple des “farfalle aux fleurs de courgettes”

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le mets, aux couleurs claires, vives et variées, occupe en gros plan presque tout le cadre de la composition. Il s’inscrit dans deux cercles qui s’imbriquent et se détachent sur le fond brun sombre de la corbeille et de la serviette sur laquelle est posée l’assiette. Mais le bleu de l’assiette permet de renforcer la distinction entre le cru et le cuit, entre les fleurs fraîchement cueillies épousant savamment le cercle de la corbeille, et le plat cuisiné prêt à être consommé, placé sur la serviette suggérant la chaleur.

L’éclairage provenant du fond à droite dans l’exemple de “la tarte aux abricots meringuée”

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fait à nouveau particulièrement ressortir le sujet sur la surface de bois sombre qui figure une table de cuisine, et met en valeur les ombres et les lumières. L’ordonnancement des objets n’est pas non plus laissé au hasard. Ici les deux cercles concentriques que forment la tarte sur son plat centré au premier plan, sont quasiment encadrés par les lignes obliques dessinées par les instruments de travail à l’arrière plan, le batteur à oeufs mécanique et la cuillère en bois, qui enserrent les ingrédients utilisés. Le choix de ces ustensiles rustiques et du plat de faïence évoquent par ailleurs l’authenticité de la cuisine traditionnelle ou d’une recette de grand-mère. De plus, la tarte offre au regard des fruits luisants sous la meringue, stimulant ainsi les papilles de qui observe la photo.

Ces diverses techniques, éclairages, contrastes de couleurs, agencements d’éléments, mises en scène du sujet, concourent indéniablement à allier le plaisir sensuel au plaisir esthétique.

Elles se retrouvent, plus décantées et systématisées dans le projet Caravage en cuisine.

 

CARAVAGGIO IN CUCINA

Après une période qui couvre plus de 20 ans de son activité professionnelle la tentation a été grande pour Renato Marcialis de passer de la photographie gastronomique et commerciale à un projet artistique. Ainsi est née sa collection « Caravage en cuisine » où il va jouer pour le plus grand plaisir de nos sens avec une variété d’éléments (grenades, raisins, citrons, poissons, gibier…). Ecoutons ce qu’il nous en dit.

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Altritaliani: Qu’est-ce qui a motivé votre intérêt pour ce que l’on pourrait appeler vos “compositions photographiques de natures mortes”?

Renato Marcialis: La plupart des découvertes sont dues au hasard. C’est ainsi qu’un jour, après avoir réalisé une photo pour un de mes clients, je me suis rendu compte que l’agencement des sujets correspondait parfaitement à l’harmonie de la composition d’une peinture. Il ne manquait que l’éclairage adéquat. J’ai cherché dans la pièce où je dépose tout mon matériel photographique un accessoire bien particulier… “le pinceau de lumière”. Ce qui en est ressorti m’a tellement ému que m’est venu à l’esprit le grand Michelangelo Merisi, dit Le Caravage.

Vous vous référez directement à l’œuvre de Caravage. En quoi est-il pour vous emblématique?

L’aspect révolutionnaire de son œuvre réside dans son naturalisme qui s’exprime à travers les éléments de ses peintures et les atmosphères, où la plasticité des figures est mise en évidence par l’éclairage particulier, qui souligne de façon théâtrale les volumes des sujets qui surgissent à l’improviste de l’obscurité de la scène. Il y a peu de tableaux dans lesquels le peintre lombard peint le fond, celui-ci passe nettement au second plan par rapport aux sujets qui sont les vrais, les seuls protagonistes de son œuvre. Pour réaliser ses peintures Caravage mettait en place dans son atelier des lanternes à des endroits spécifiques, pour faire en sorte que ses modèles soient illuminés en partie seulement, à l’aide d’une “lumière rasante”. Grâce à cet artifice il mettait en évidence les parties qu’il estimait les plus intéressantes, laissant le reste du corps dans l’obscurité ambiante.

Le rapprochement entre le nom de ce grand peintre et l’expression triviale “en cuisine” pourrait paraître incongru. Pourquoi avez-vous donné à vos recherches et compositions le titre ironique de Caravaggio in cucina?

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J’ai imaginé que le bon Caravage arrivait par hasard dans l’immense cuisine d’un palais et, qu’en se retouvant au milieu d’une marée d’ingrédients, il commençait à réaliser des compositions pour les transposer ensuite avec ses pinceaux et sa palette de couleurs sur ses toiles.

Vous agrémentez vos photos de légendes. Dans quel but?

J’ai recours à l’humour surtout pour dédramatiser l’aspect sérieux et sombre qui entoure la plupart des images… c’est une façon sympathique d’arrondir les angles.

Françoise Lamblin et Evolena

En savoir +

Le site internet de Caravaggio in cucina

Le site professionnel de Renato Marcialis

Contact:

Studio Fotografico Renato Marcialis
Via Giacomo Watt, 10, 20145 Milano
Cell. +39 335-6703629
Email: caravaggioincucina@gmail.com

Mise à jour 18/05/2014

Portfolio “Caravage en cuisine”

Cliquez sur la première image et ensuite sur diaporama.

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Evolena
Michèle Gesbert est née à Genève. Après des études de langues et secrétariat de direction elle s'installe à Paris dans les années '70 et travaille à l'Ambassade de Suisse (culture, presse et communication). Suit une expérience associative auprès d'enfants en difficulté de langage et parole. Plus tard elle attrape le virus de l'Italie, sa langue et sa/ses culture(s). Contrairement au covid c'est un virus bienfaisant qu'elle souhaite partager et transmettre. Membre-fondatrice et présidente d'Altritaliani depuis 2009. Coordinatrice et animatrice du site.

3 Commentaires

  1. Caravage en cuisine / Caravaggio in cucina
    la tarte aux abricots meringuée

    de retour à l’office après que la meringue
    a été goûtée ?
    Le Caravage aurait-il eu l’audace de réclamer une
    meringue italienne?

    le radis solitaire ; grandoiose !

  2. Food & Art: Caravage en cuisine.
    Merci mille fois pour ce très intéressant et très artistique article. J’ai cliqué sur l’ouvrage de ce photographe de Milan et j’ai été émerveillée par la qualité de ses images , par la grâce de ses compositions et par la poésie et l’humour de ses titres ! Une très grande réussite, vraiment.

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