Nature et idéal: le paysage à Rome 1600-1650. Rencontre avec Stéphane Loire.

C’est à Rome, dans la première moitié du XVIIe siècle, que débute véritablement l’histoire de la peinture de paysage. Jusque-là le paysage n’existait pas en tant que genre pictural à part entière. Considéré comme un simple élément de décor à l’arrière-plan, il gagne peu à peu en autonomie et devient le sujet principal. Il va désormais connaître un succès considérable dans les palais pontificaux et les collections de l’aristocratie. Ce changement de regard, cette évolution importante et passionante est due à la rencontre d’artistes arrivés à la même époque dans la Ville Eternelle pour y retrouver sa lumière et les modèles de l’art ancien.

Stéphane Loire, conservateur en chef au département de Peinture au Musée du Louvre et commissaire général de l’exposition, nous plonge dans cet univers foisonnant et bucolique en parcourant pour nos lecteurs les étapes de la visite.

54-paysage-lacustre-avec-troupeaux-nature-et-ideal.jpgSalvatore Rosa (1615–1673) Paysage lacustre avec troupeaux – 1640
© The Cleveland Art Museum

Domenico Biscardi : Cette exposition montre un moment essentiel de l’histoire de l’art, où la peinture de paysage acquiert un nouveau statut…

Stéphane Loire : Ce qui est très nouveau et se produit à Rome au début du XVIIe siècle est que la nature est représentée pour elle-même comme élément principal des œuvres. Cette autonomisation, pour ainsi dire, de la peinture de paysage, s’opère grâce à la présence à Rome d’artistes flamands, allemands, français et même bolonais. Ils ne trouvent que dans la Ville éternelle les conditions propices à une approche nouvelle de leurs pratiques artistiques. Soulignons que cette peinture du début du XVIIe siècle est rarement une peinture en plein air. Les artistes dessinent beaucoup, passent des nombreuses heures à essayer de capturer les nuances les plus subtiles des variations de la lumière sur la végétation. Ces dessins, dont un grand nombre nous est parvenu, servaient de base à d’autres dessins réélaborés en des compositions proprement picturales dans leurs ateliers, ou dans les palais lorsqu’ils travaillaient aux décors des demeures des riches familles romaines. Il s’agit, donc, le plus souvent d’une peinture d’intérieur. Ce n’est que beaucoup plus tard, à la fin du XVIIIe siècle et surtout au début du XIX siècle, que les artistes iront peindre directement la nature.

D.B. : Pourquoi ce renouveau a-t-il lieu à Rome ?

S.L. : Autour de 1600, la cité – sous l’influence pontificale – connaît d’importantes interventions architecturales qui modifient la structure urbaine et le visage de Rome. On trace de nouvelles avenues qui relient les basiliques entre elles, on achève celle de Saint-Pierre, dont la façade est terminée en 1612. La ville est aussi l’endroit où l’on peut découvrir la grandeur de la civilisation du passé. Les ruines, les temples sont parfois restés intacts, mais seules les parties supérieures émergent du terrain, car on n’a pas encore entrepris les grandes fouilles qui donneront à Rome l’allure que nous connaissons aujourd’hui. La présence d’artistes venus des Flandres, des Pays-Bas, de France favorise un profond renouveau de la peinture, du « naturalisme caravagesque » au classicisme d’Annibal Carrache, sans oublier les grandes réalisations (en sculpture et architecture) du Bernin. Tout cela montre bien le foisonnement artistique de Rome au XVIIe siècle, un foisonnement comparable à celui que connaîtra Paris entre les années 1860 et la première Guerre mondiale. Parmi les artistes qui arrivent dans la ville des papes, la plupart venaient compléter leur formation, tandis qu’un tout petit nombre tentera d’y rester pour y faire carrière.

D.B. : Foisonnement de la Ville éternelle favorisé par les changements de mode de vie des classes aisées, qui développent un nouveau rapport avec la nature. Les chantiers de construction des villas des familles aristocratiques se multiplient à l’intérieur de l’enceinte de la ville comme à l’extérieur….

S.L. : Un des facteurs propices au développement du paysage a été le goût des collectionneurs et notamment celui des cardinaux. Ils accumulaient les signes extérieurs de richesse : un palais romain, une collection d’art, dans laquelle ils tentaient de rassembler les tableaux des grands maîtres de la Renaissance, mais aussi des œuvres plus modernes, comme des peintures d’histoire d’artistes caravagesques ou des paysages. Ces prélats avaient très souvent une résidence à la campagne, une villa qui leur permettait de se retirer des tracas de la vie urbaine et de se reposer des intrigues de la cour pontificale. Ils demandaient parfois aux artistes de représenter des paysages, c’était une autre manière de se retrouver dans la nature, une nature transfigurée, reflet de la création divine, et donc susceptible de favoriser leur vie spirituelle.

D.B. : L’école de Bologne occupe une place de choix dans ce processus de renouvellement. Avec quels artistes et quelles sources d’inspiration ?

S.L. : Le plus important pour le développement de la peinture de paysage est certainement Annibal Carrache. Il est né à Bologne en 1560 et arrive à Rome en 1595, appelé par le cardinal Farnèse. Ce dernier lui demande de peindre une galerie consacrée aux amours des dieux, la célèbre Galerie du Palais Farnèse, aujourd’hui le siège de l’Ambassade de France à Rome. C’est un décor d’une importance considérable qui va renouveler la tradition du grand décor italien et la synthèse des réalisations romaines du XVIe siècle avec la chapelle Sixtine, ou encore les « Stanze » de Raphaël. Avant son arrivée à Rome, Carrache avait déjà à son actif une carrière très féconde comme artiste religieux. Il s’était mesuré avec beaucoup de curiosité aux genres les plus divers: le portrait, les scènes de genre, mais aussi la nature. Ainsi l’exposition s’ouvre-t-elle avec un paysage fluvial peint avant l’arrivée de Carrache à Rome. Une œuvre remarquable par sa fraîcheur, par cette espèce d’émerveillement face au spectacle de la nature. La présence humaine en semble presque totalement bannie. L’observateur est invité à s’y immerger.

CarrachePaysageFluvial.jpgAnnibal Carrache (1560-1609) Paysage fluvial vers 1590-1599
© National Gallery of Art,Washington

A Rome, Annibal Carrache est bouleversé par la découverte de l’Antique, par la découverte des chefs-d’œuvre de la Renaissance. Il infléchit assez rapidement son art dans un sens plus classicisant, ce qui donnera les décors de la Galerie Farnèse, pour la peinture d’histoire. Pour le paysage cela donnera des compositions dans lesquelles la nature est idéalisée, épurée, simplifiée, mais parfois aussi embellie par une construction intellectuelle qui organise le paysage en une suite de plans savamment échelonnés. Ils guident le regard du spectateur vers le lointain et attirent l’attention vers un motif religieux. En ce sens le tableau fondateur est la célèbre « Fuite en Egypte » de la Galerie Doria Pamphili. Une œuvre qui aurait dû ouvrir cette exposition, mais qui, malheureusement, n’a pas pu nous être prêtée. L’exemple de Carrache va être rapidement suivi par d’autres peintres. Ses élèves à Bologne viennent le rejoindre dans la Ville éternelle pour travailler au chantier de la Galerie Farnèse. Ils vont par la suite peindre des paysages comme leur maître. Il s’agit, notamment, du Dominiquin, de l’Albane, de Giovanni Battista Viola. Ils seront les propagateurs d’un genre nouveau de peinture de paysage, qui sera par la suite développé par des peintres français, tels que Nicolas Poussin et Claude Lorrain. Ce dernier réussira une fusion très habile et harmonieuse entre ce modèle du paysage classique bolonais et les ferments naturalistes apportés au même moment par des peintres flamands, comme Paul Bril, ou encore l’allemand Adam Elsheimer.

D.B. : Quel est alors l’apport de ces artistes flamands ?

S.L. : Cet apport est vraiment considérable. Ils peignaient des paysages même avant 1600, avec moins de préjugés que leurs homologues italiens. Ils n’hésitaient pas à peindre la nature comme sujet principal. Ils y introduisaient des personnages vêtus à la mode contemporaine, des paysans, des sujets religieux en costumes flamands et évoquant des paysages flamands. Citons Pieter Bruegel, dont le fils, Jan Bruegel, va séjourner en Italie dans les années 1590 et jouer un grand rôle dans l’introduction d’éléments flamands dans la peinture italienne. Ces peintres, dont les pratiques étaient méprisées par les théoriciens italiens vont, en ce début du XVIIe siècle, être appelés à travailler sur les chantiers pontificaux. Parmi eux les frères Paul et Matthijs Bril. Paul va peindre des paysages dans des décors à fresque pour le palais du Vatican. Mais ils vont tout aussi bien peindre des œuvres de chevalet, qui seront convoitées par les collectionneurs romains ou étrangers. Ce qui est nouveau dans leur approche est une pratique très « naturaliste » de la représentation de la nature. Ils ne cherchent pas à l’idéaliser, mais à la représenter de manière vivante, avec un sentiment naturaliste de la description et une approche parfois même pittoresque et fantaisiste.

Bril_CampoVaccino.jpgPaul Bril (1554-1626) Vue du campo Vaccino
avec le marché aux bestiaux
1600
Dresde, Staatliche kunstsammlungen Gemäldegalerie
© BPK, Berlin/ Hans-Peter Kluth

L’exposition en montre de très beaux exemples avec des vues du Forum romain, avec ce que l’on appelait à cette époque le Campo Vaccino : cet espace très vaste compris entre le Colisée et la colline du Capitole, où l’on faisait paître les vaches. Ce n’était pas encore ce merveilleux assemblage de temples romains que nous pouvons visiter aujourd’hui, car les fouilles commencèrent seulement au XVIIIe siècle et on n’avait pas encore fait émerger les temples ensevelis.

D.B. : Et les Italiens vont s’inspirer de cette peinture…

S.L. : Les peintres italiens vont s’en inspirer pour certains sujets, pour une approche directe de la nature, sans avoir forcément besoin de passer par le traitement d’un sujet noble pour s’approcher du monde naturel. Ils vont, donc représenter des bergers au milieu des ruines, comme Filippo Napoletano. D’ailleurs, on a cru longtemps ses œuvres peintes par des artistes nordiques. Les Flamands vont influencer les Italiens par le traitement précis de leur vision de la nature, par la description très attentive, que ce soit pour les nuances de la lumière sur la végétation, ou encore pour la description des arbres ou des feuillages.

D.B. : Comment les artistes français trouvent-ils leur place dans ce foisonnement romain ?

S.L. : Nicolas Poussin et Claude Lorrain sont des artistes qui, comme beaucoup d’autres, sont arrivés jeunes à Rome, avec l’idée de parfaire leur formation et peut-être celle d’y faire carrière. Mais ils connaitront des débuts difficiles. Nicolas Poussin, notamment, a peint à ses débuts des paysages pour se faire une clientèle. Nous pouvons en voir dans l’exposition. Poussé par ses difficultés à obtenir les grandes commandes publiques et ne parvenant pas à se faire un nom comme peintre de compositions historiques, il a d’abord peint des sujets mythologiques, de petit format, avec souvent des sous-entendus érotiques. Il s’agit ici d’œuvres fortement marquées par la peinture vénitienne du XVIe siècle, et notamment par le Titien, des tableaux peints dans une gamme de couleurs chaudes avec des fonds de paysages assez imprécis. Une peinture sensuelle, même parfois voluptueuse. Avec le temps, Nicolas Poussin va affiner sa vision dans un sens « classicisant » avec une absorption et même un dépassement des modèles du paysage idéal des peintres bolonais.

Poussin_Nymphes.jpgNicolas Poussin (1594-1665) Nymphe et Satyres 1627
© The National Gallery, Londres

Quant à Claude Lorrain, il va se former auprès de peintres paysagistes, et notamment de l’allemand Goffredo Wals, un artiste assez mal connu, mais dont il aurait fréquenté l’atelier à Cologne. Et puis, après un bref retour en Lorraine, il va travailler auprès d’Agostino Tassi, l’un des rares artistes présents dans l’exposition à être né à Rome. Ce dernier fait une synthèse très personnelle, très agréable, entre certaines ambitions du paysage romano-bolonais, la représentation idéale de la nature, et, d’autre part, la veine naturaliste des Flamands. S’inspirant de ces deux modèles, Claude Lorrain – comme Nicolas Poussin – va joindre d’une manière très personnelle les ambitions du paysage idéal, à une vision qui intègre les beautés du paysage romain et des thèmes tirés de l’histoire romaine. Chez lui, l’Enéide, l’Odyssée ou encore les sujets religieux deviennent des représentations grandioses de vastes paysages.

Lorrain_Ostie.jpgClaude Lorrain (vers 1600 – 1682)
Paysage avec l’embarquement de sainte Paule à Ostie 1639-1640
© Museo Nacional del Prado

Une lumière merveilleuse – celle du matin ou celle du soir – baigne des horizons agencés en une suite de plans qui guident le regard vers le lointain, où les formes se perdent de manière assez imprécise. Un sentiment très évocateur de la vision que l’on pouvait avoir à l’époque de l’Antiquité. Le Lorrain à une capacité de traduire en peinture l’idée, telle qu’on pouvait la concevoir en ce début du XVIIe siècle, de cette antiquité arcadienne. Elle a fait sa spécificité et son succès dès son vivant.

D.B. : Est-ce que l’origine de ces artistes a joué un rôle important dans cette nouvelle vision du paysage ?

S.L. : Il est évident que les artistes dont nous parlons ne pouvaient trouver qu’à Rome les conditions favorable pour peindre leurs tableaux, car ici seulement ici trouvaient les vestiges antiques, une nature très présente, un climat idéal dont la lumière était tellement différente de celle de leurs pays d’origine. Un exemple : cette exposition présente les œuvres de 33 artistes et sur ces 33 artistes 18 sont nés hors d’Italie notamment en Europe du nord. Parmi les Italiens, 2 seulement viennent de Rome. C’est dire que le phénomène du paysage romain est largement international. Rome à ce moment de l’histoire a joué le rôle d’un creuset sans égal en Europe et qui a permis le succès de la peinture de paysage.

D.B. : Comment ces œuvres ont-elles été accueillies par les collectionneurs en Italie comme à l’étranger ?

S.L. : Les collectionneurs ont certainement voulu acquérir des paysages car cela diversifiait leurs collections. Je parle notamment des neveux des papes, qui appartenaient à une catégorie spéciale de collectionneurs, puisque parfois leur pouvoir et leur richesse duraient l’espace d’un pontificat… qui pouvait être très bref. Ils recherchaient notamment des statues antiques, ce qui était le témoignage le plus fort de l’antiquité. Mais également des peintures des maîtres de la Renaissance, comme Raphaël, des tableaux qui étaient rares et inaccessibles, hors de prix, ou encore ceux de la Renaissance vénitienne : Titien, Véronèse ou Tintoret. Ils enrichissaient leurs collections avec des tableaux de peintres flamands en les complétant avec des peintures de contemporains comme des caravagesques ou des scènes de paysages. Cela démontre combien ils étaient au courant de la scène artistique contemporaine.

D.B. : En France, un personnage joue un rôle clef en ce sens : Mazarin…

S.L. : Mazarin avait fait une carrière ecclésiastique importante à Rome avant de venir à Paris appelé par Richelieu. Nous pouvons dire qu’il a formé le goût de Louis XIV, lui a montré un exemple de goût romain, grâce notamment à sa collection qu’il continue de nourrir en achetant des œuvres en provenance de la péninsule pour sa collection personnelle. Celle-ci abrite des tapisseries, des sculptures antiques, de la peinture religieuse et des paysages. Tout cela va former comme une sorte de concentré de goût romain au cœur de Paris dans le Palais Mazarin, l’actuelle Bibliothèque Nationale de la rue de Richelieu, et fournir un exemple aux collectionneurs français. Mais il ne faut pas oublier le rôle des ambassadeurs français à Rome, qui, au terme de leur séjour, veulent ramener en France des souvenirs de leur passage. L’un des artistes qui sera mis le plus à contribution sera sans doute Claude Lorrain. Le duc d’Orléans, neveu de Louis XIV, est un autre exemple de collectionneur qui témoigne de cette attention au goût italien. Celui que l’on appelle le Régent avait rassemblé un ensemble absolument extraordinaire au Palais Royal, – resté très accessible pendant tout le XVIIIe siècle aux artistes – qui s’y rendaient beaucoup plus facilement qu’à Versailles où était abritée la collection du Roi. Celle de Philippe d’Orléans était d’ailleurs plus riche que celle du Roi tant en quantité qu’en qualité. Elle a malheureusement été dispersée par un héritier de la famille à la fin du XVIIIe siècle, Philippe Egalité, lui-même duc d’Orléans – celui qui avait voté pour la mort du Roi à la Révolution. Criblé de dettes, il va décider de vendre sa collection quelques temps après la Révolution. Elle sera cédée tout d’abord à un banquier belge qui l’exporte en Angleterre, puis dispersée lors de grandes ventes en 1798. Cette exposition a donc fourni l’occasion de faire revenir à Paris deux tableaux de paysage : Il y a un très beau tableau de l’Albane, « La toilette de Vénus », en provenance de la collection de la Pinacothèque de Bologne, œuvre à sujet mythologique attribuée auparavant à Annibal Carrache. Egalement un « Repos pendant la fuite en Egypte », une œuvre elle aussi attribuée à Annibal Carrache venue du musée de Princeton, mais aujourd’hui rattachée à l’Albane, qui était l’un de ses suiveurs.

Albane_FuiteEgypte.jpgFrancesco Albani, dit L’Albane (1578-1660)
Le repos pendant la fuite en Egypte Vers 1607
© Princeton University Art Museum / Photo Bruce M. White

D.B. : Cette peinture de paysage a-t-elle influencé aussi l’art du paysage et la réalisation de parcs et jardins, par exemple ?

S.L. : Certainement ! Nous savons, en effet, que les œuvres des artistes comme Claude Lorrain, Nicolas Poussin ou Gaspard Dughet ont été ardemment convoitées par les amateurs anglais du XVIIIe siècle. Ils ont demandé à leurs jardiniers de créer des parcs d’inspiration italienne, pour transposer chez eux ce monde idéal qu’ils retrouvaient dans les tableaux parfois achetés à grand prix.

Propos recueillis par Domenico Biscardi

Exposition

Nature et idéal : le paysage à Rome, 1600-1650
Carrache, Poussin, Le Lorrain…

9 mars 2011 – 6 juin 2011

Galeries nationales du Grand Palais

3, avenue du Général-Eisenhower
75008 Paris
Métro : lignes 1, 9, 13 / Stations : Franklin-D.-Roosevelt, Champs-Elysées-Clemenceau

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